Editorial du n° 88

Vous avez entre les mains le dernier numéro de Diotime. Non par la volonté de ceux qui éditent la revue, et en premier lieu son rédacteur en chef et celui qui a soutenu depuis longtemps cette aventure, Jean-Pierre Comert. Les Nouvelles Pratiques Philosophiques se développent en effet fortement à l'école et dans la cité et de nombreux articles nous remontaient spontanément... Mais simplement parce que la plateforme qui accueillait la revue va disparaître... Vous n'avez plus que quelques semaines pour télécharger gratuitement les articles qui vous intéressent.

Diotime a pris la suite de la Lettre de l'Ardap (Association pour la recherche en Didactique de l'Apprentissage du Philosopher, fondée par Michel Tozzi, qui paraissait depuis 1985). Elle aura paru et vécu, avec le soutien de l'Éducation nationale, de mars 1989 à avril 2021, soit 22 ans, à raison de la parution régulière de quatre numéros par an. En version papier jusqu'au numéro 18, puis numérisée du numéro 10 au numéro 88. Elle s'est progressivement imposée comme la revue de référence didactique francophone (avec quelques articles en anglais ou espagnol) sur les Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP), à l'école dès les années 2000 (en particulier au primaire et au collège), comme dans la cité (Elle aura vu naître par exemple le café philo en 1992 avec Marc Sautet, de nouvelles universités populaires à partir de 2002 avec Michel Onfray...).

Elle a rendu compte des pratiques nouvelles en classe, particulièrement en philosophie avec les enfants et les adolescents, proposé des éléments variés de formation à ces pratiques innovantes, et par la même souvent dérangeantes, signalé les principales thèses en projet ou soutenues sur la question. Elle a touché un large public, enseignants débutants ou confirmés, animateurs, formateurs et chercheurs. C'était pour les africains, qui n'ont guère accès à l'écrit, cher et lointain, une entrée numérique dans ces problématiques. Elle était ces dernières années gratuitement consultable et téléchargeable, et c'est tout à l'honneur du Service Public français d'avoir, comme disait Diderot, tenté de "rendre la philosophie populaire", en élargissant son public par la médiation d'une didactique de l'apprentissage du philosopher.

Nous avons là un corpus considérable de plus de 1500 articles de praticiens, animateurs, formateurs, chercheurs, qui constitue un témoignage et un patrimoine précieux sur le développement des NPP depuis plus de 20 ans en francophonie. On y trouve les articles de 727 auteurs, provenant de 47 pays. Il s'agit de veiller à ce que ce patrimoine soit préservé, et nous y travaillons en France, Belgique, Suisse et Québec notamment.

Ce dernier numéro de Diotime est consistant. On y trouvera des témoignages de pratiques en classe et dans la cité, comme toujours des éléments de réflexion, des apports pour la formation sur les méthodes de philosophie pour enfants, le compte rendu de deux thèses récemment soutenues en décembre 2020, un dossier de recherche sur des pratiques tentant d'articuler méditation de pleine conscience et atelier philo et le compte rendu du dernier colloque sur les NPP qui s'est tenu en visio, avec une table ronde précisément sur la question controversée du distanciel et le déroulement d'ateliers tenus en visio, sans oublier la rubrique Informations et Publications et deux articles africains.

Diotime aura, par sa volonté de diffusion et la parole donnée aux acteurs, accompagné les NPP à un moment où elles étaient fragilisées par les critiques que provoque toute innovation partie du terrain. La revue se réjouit du fait que, malgré certaines réticences persistantes, un relais soit assuré par certains institutionnels, qui ont perçu tout l'intérêt de ces pratiques dans une perspective à la fois démocratique et philosophique...