Ateliers "Graines de philo" à Bischwiller

Des lycéens aident les collégiens à "penser par eux-mêmes"

Des lycéens aident les collégiens à "penser par eux-mêmes"

Depuis deux ans maintenant, une expérience de lien "lycéens de terminale L collégiens de 6°" autour de la pratique de discussions à visée philosophique a lieu à la cité scolaire André Maurois de Bischwiller. Formés par Les Francas à l'animation de ces ateliers et avec l'aide de leur professeur de philosophie, les lycéens prennent en charge des groupes de collégiens de 6°.

Quelques éléments du cadre de l'action

La cité scolaire André Maurois regroupe au sein du même établissement le lycée et le collège, ce qui facilite indéniablement l'organisation commune. Bischwiller, petite ville à 30 km au nord de Strasbourg, a une forte population d'enfants d'origine étrangère ; classé en REP, le collège a mis en place, deux fois par semaine, des ateliers de découverte "Sport et culture" en fin d'après midi (15H 16H 30). C'est dans ce cadre que des professeurs du collège ont été initiés à la pratique d'ateliers "Graine de philo". Ils y interviennent toute l'année et y reçoivent ponctuellement les lycéens et lycéennes pour leurs animations. Chaque atelier compte environ 11 à 13 enfants et dure de six à sept semaines consécutives pour un même groupe.

Un parti pris... et une formation

Proposer à des élèves de terminale L d'animer des ateliers "Graines de philo" avec des collégiens de 6° est un choix pédagogique important. La philo est la matière dominante du baccalauréat qu'ils passeront en fin d'année. L'objectif de cette action est donc double :

  • permettre aux lycéen(ne)s, par une pratique concrète, de mieux comprendre ce qu'est la philosophie, instrument de pensée de la vie courante, pour rattacher la discipline à la vie.
  • mais aussi les aider, par cette action, à être plus à l'aise dans l'exercice de la dissertation philosophique qu'ils auront à rédiger lors de l'examen.

La formation délivrée a donc toujours été attentive à ce double objectif : leur donner les outils pour réussir leur animation avec les collégiens et les aider dans leur préparation à l'examen.

Cette formation, inscrite dans une opération régionale intitulée "mois de l'autre" et soutenue par le Conseil Régional, s'est déroulée, en amont des animations en trois séances de deux heures (prises sur l'horaire de philosophie) puis, en aval, en une séance d'une heure de bilan et synthèse.

Chaque groupe de deux lycéen(ne)s devait animer deux séances avec les enfants, d'une heure et quart chacune. Durant ces séances, un accompagnement des professeurs de collège (pour la gestion du groupe) et du formateur (pour l'analyse des pratiques) a été mis en place.

Contenu de la formation dispensée :

1ère séance : vécu d'une animation comme ils auront à la faire vivre aux enfants avec analyse de l'organisation et du sens des actions mises en place ;

2ème séance : travail autour du sens du triptyque "problématiser, argumenter, conceptualiser" et de la façon de l'aborder dans une DVDP (Discussion à Visées Démocratique et Philosophique) ;

3ème séance : temps de préparation et d'entraînement au sein de la terminale, analysée pour comprendre comment préparer cette animation, à la fois sur le fond (de l'entrée aux concepts) et sur la forme.

La séance de bilan a fait ressortir ce que chacun pouvait en retirer pour soi et pour l'épreuve du bac.

III) Exemple concret : une animation et les éléments d'analyse apportés

Je joins ici la note complète des remarques apportées aux lycéennes après leur animation.

A) Participation aux animations des lycéennes à Bischwiller le 23/02/2016. (Fanny et Marine)

Quelques remarques concernant ce que j'ai pu observer.

D'abord, sur votre animation. J'ai trouvé que vous vous étiez très bien débrouillées dans la conduite du groupe. Très à l'écoute des enfants, sachant attendre quand il le fallait et relancer (Fanny) et renvoyant bien la parole des enfants qui pouvaient facilement se reconnaître dans la relecture des idées émises (Marine). D'ailleurs, la participation calme et dynamique en a été la marque.

C'était très captivant, pour les enfants, d'écouter le conte de départ raconté. Dommage que le lien avec la question n'ait pas été plus fort. Vous auriez pu demander, par exemple, à la fin : d'après vous, l'histoire que je viens de vous raconter est-elle vraie ? Et pourquoi ? Pour dans un deuxième temps leur demander : alors, qu'est-ce que la vérité (Question que vous leur avez finalement posée) ?

Je ne sais pas si vous aviez réfléchi, avant l'animation, aux portes d'entrée dans le concept de vérité. Je vous livre, à la volée, quelques pistes émises par les enfants :

  • la vérité, valeur morale (beaucoup d'expressions dans ce cadre : " c'est mal de mentir", "si on veut être cru, il ne faut pas mentir");
  • la vérité, un regard sur soi ("s'accepter soi-même - a dit un enfant - même si ça fait mal", "c'est important, c'est notre vie");
  • la vérité, une convention sociale ("il n'y a pas toujours de vérité" ; "si tout le monde ment, il n'y a plus de vérité");
  • la vérité, un mode de relation sociale ("il faut la taire parfois pour ne pas faire mal", "garder la confiance de l'autre", "on peut mentir pour une blague, si on l'avoue après", "se faire une opinion des gens, ne pas les juger sur ce qu'ils disent");

Toutes les dimensions de la vérité n'ont pas été abordées. Aviez-vous d'autres pistes en tête, pour éventuellement relancer les enfants ? Aviez-vous lu des textes de philosophes sur cette question ?

L'animation ayant très bien fonctionné (au moins dans la partie à laquelle j'ai assisté, après, j'espère qu'il en fut de même), vous n'avez pas eu besoin de relancer, mais dans l'idée d'une suite avec le même groupe, cette réflexion est importante, parce qu'elle vous permet d'écouter finement le groupe d'enfants (d'autant que vous avez spontanément su trouver la bonne distance et la bonne écoute avec le groupe).

Enfin, la partie "questionnement" a elle aussi été intéressante. Je note ici les questions des enfants, utilisant la technique du "Est-ce que... toujours... ?" :

Est-ce que la vérité est toujours obligatoire ?

Est-ce qu'il faut toujours dire la vérité ?

Est-ce que dire la vérité nous amène toujours des problèmes ?

Est-ce que dire la vérité est toujours bien pour nous ?

Est-ce que mentir nous aidera toujours dans la vie ?

Est-ce que la vérité est toujours vraie ?

Est-ce que dire la vérité, c'est toujours se faire des ennemis ?

Est-ce que dire la vérité, ça nous fera toujours avoir confiance en nos amis ?

Je suis ensuite parti au moment où vous commenciez la discussion, et je n'ai donc plus de retours à vous faire.

En tout cas, vous vous en êtes très bien sorties.

Je pointe ici quelques idées nées de mon observation, qui pourront être utiles à toutes. Ce sont ces pistes qui me permettent de mieux comprendre et de progresser.

B) Eléments de réflexion suite à mes observations mardi dernier

Les questions ou observations que je note ci-dessous sont autant pour moi que pour vous, pour que vous puissiez vous en servir pour les autres animations.

  • Il est difficile d'animer un groupe d'enfants sur le fond (triptyque philosophique : problématiser, argumenter, conceptualiser), quand se posent en même temps des questions techniques d'animation. C'est normal ; pour la majorité, c'est votre première expérience d'animation avec un groupe d'enfants.
  • Les groupes d'enfants du collège sont des groupes habitués. Ils savent déjà transformer leurs affirmations en questions, donc l'animation peut les aider à aller plus loin. Comment se servir de leurs expressions pour les questionner et les encourager à poursuivre leur réflexion ?
  • Pour aider à comprendre les idées des enfants, il faut avoir réfléchi à la question avant. Peut-être sera-t-il nécessaire que je vous propose un cadre pour l'analyse du thème. C'est ce cadre les différents champs qui peuvent être abordés à partir du concept qui sera utile pour le bac (Repérer les différents champs et les référencer à des écrits de philosophes).
  • La question du triptyque philosophique (problématiser, argumenter, conceptualiser) est complexe. Pour bien animer c'est à dire être à l'écoute des enfants il faut s'en être bien imprégné. Il serait peut-être utile d'avoir un temps plus long pour bien en comprendre le sens profond. Cette compréhension est aussi très utile pour le bac !
  • Enfin, la façon de retenir une phrase, à la fin, est complexe. Peut-être faut-il simplement demander aux enfants de dire la phrase qu'il leur reste (ce qui les a fait progresser dans la réflexion) sans chercher un accord collectif et ensuite que ce soit vous qui reteniez quelques unes de ces phrases.

IV) Et quelques éléments d'analyse

Cette expérimentation paraît très fructueuse ; elle intéresse beaucoup les lycéens, qui se sentent fortement valorisés autour de la pratique de la discipline majeure de leur terminale. On peut raisonnablement penser que cette attitude rejaillira sur leur regard sur la philo (au bac et dans la vie) (Petit complément : lors de l'année scolaire passée, tous les élèves de la terminale L ont été reçus au Bac).

Elle demande néanmoins des conditions de réussite :

  • une articulation facile entre le lycée et le collège (ne serait-ce que pour des questions d'organisation);
  • une inscription de l'action dans le cadre horaire du travail des enseignants, pour assurer une pérennité.
  • des professeurs de collèges sensibilisés et pouvant accompagner les lycéens (au moins dans la gestion du groupe, mais pour être aussi en soutien si l'animation déraille ce qui nécessite un minimum de formation);
  • un professeur de philosophie convaincu et accompagnant;
  • une aide structurelle (ici de la région) pour couvrir les frais d'intervention des formateurs extérieurs (Les Francas sont une association d'Education populaire, complémentaire de l'école et reconnue d'utilité publique, mais comme toute association, elle a besoin de moyens pour vivre).

L'expérience s'est aussi déroulée dans un autre établissement de Strasbourg (Lycée-collège, également). Le volontariat des enseignants s'obtient assez facilement... si l'action arrive à s'inscrire dans le cadre de leur travail.

Claude ESCOT

V) Le point de vue de Daniel CASSEL, le professeur de philosophie de la classe concernée

"Il y a toujours intérêt, dans les analyses de concepts, de partir de situations très concrètes, très simples, et non pas des antécédents philosophiques, ni même des problèmes en tant que tels"1.

Ce sont les mots d'une véritable profession de foi méthodologique, celle de Gilles Deleuze, qui entendait par "problèmes en tant que tels" les antinomies et les distinctions classiques de l'histoire de la pensée ; l'un et le multiple par exemple, mais on pourrait intégrer au propos des oppositions comme liberté/nécessité, être/apparence etc.

Nous essayerons de montrer qu'à l'autre bout des cheminements philosophiques, celui des tout premiers pas, ce credo éclaire encore parfaitement l'intérêt de l'expérimentation menée pour la deuxième année consécutive au lycée André Maurois de Bischwiller.

En effet, en initiant les élèves de terminale Littéraire à la conduite des ateliers "Graines de philo" pour des classes de 6ème, nous avons parié sur le bénéfice que pouvaient représenter ces animations, non seulement pour les jeunes collégiens, mais aussi pour des élèves qui, sur le mode d'une discipline scolaire, débutent d'une certaine façon aussi en philosophie ; confrontés eux-mêmes à son enseignement, certes plus académique, et qui, de surcroît, préparent une épreuve du baccalauréat dont l'importance (avec un coefficient 7), est celle de la matière dominante dans cette série.

L'on mesure bien sûr la chance pour le lycée de se trouver au sein d'une cité scolaire, ce qui facilite considérablement un tel échange, entre des élèves qui finissent leur parcours secondaire et d'autres qui viennent seulement de l'entamer, sept niveaux séparant les premiers des seconds. Mais outre l'intérêt social évident de créer du lien entre des élèves qui, malgré la proximité géographique, ne se côtoieraient jamais sans ces ateliers (combien de fois les jeunes collégiens se félicitent de "compter aux yeux des grands"), on peut s'interroger sur la pertinence de ces animations par les lycéens pour ces lycéens eux-mêmes. En effet, dans le cadre de leur enseignement de terminale, ceux-ci ont dû hisser la logique ternaire "problématiser argumenter conceptualiser" au principe du déroulement des ateliers, à un degré d'exigence beaucoup plus travaillé qu'ils ne sont amenés à le proposer aux collégiens.

On peut donc se demander si l'intérêt pour eux ne relève pas simplement d'une variante de la responsabilisation progressive des adultes qu'ils sont en train de devenir (auquel cas le Brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur ferait tout aussi bien, sinon mieux, l'affaire) et si le bénéfice de l'ouverture philosophique réelle ne revenait pas entièrement aux collégiens, les lycéens étant confinés aux rôles des aînés censés guider les plus jeunes depuis l'autorité de savoirs déjà constitués. Si tel était les cas, et en regard du programme de philosophie de terminale, pour le moins conséquent, l'activité ainsi menée reviendrait à perdre un temps précieux de leur scolarité.

Mais il y a deux raisons majeures, au moins, qui nous ont semblé justifier pleinement cette contribution des lycéens, et ce dans l'objectif même de leur préparation au baccalauréat, notamment en direction du travail de la dissertation qui sanctionne l'épreuve de philosophie.

Pour bien saisir la première, revenons à l'avertissement de Deleuze par lequel nous introduisions notre propos : confrontés à des problèmes philosophiques sous la lumière d'une histoire de la pensée, jalonnée par des conceptualisations classiques de grands philosophes ("les problèmes en tant que tels" visés par l'extrait de Deleuze, soit des aboutissements dans les processus de formalisation philosophique), les élèves de terminale développent des habiletés discursives en se mesurant à des hypothèses philosophiques reconnues ; mais celles-ci, sous la nécessité des attentes disciplinaires en terme de programme - il faut faire preuve de connaissances précises, de culture, "le doute méthodique" chez Descartes par exemple, "la durée" chez Bergson etc. se développent souvent de façon abstraite, sans que les hypothèses ne se rattachent à des évidences premières.

La philosophie, du fait des habitus scolaires acquis au cours des années (établir des liaisons rationnelles avec un "matériau" réflexif donné), risque alors la confusion avec un pur exercice de la pensée, un peu à l'image de ce qui est en jeu dans l'apprentissage de certaines disciplines scientifiques formelles, le sujet en apprentissage s'effaçant derrière l'objectivité des savoirs. On songe à Platon dans la République, qui parle des connaissances discursives de certains arts de la pensée, incapables de dépasser l'ordre des hypothèses : "leur connaissance de l'être, dit-il, ressemble à un rêve (...) tant qu'ils s'en tiennent à des hypothèses"2. De fait, la réflexion des élèves dans les dissertations ressemble pour certaines à un rêve, tant elle paraît parfois détachée des circonstances concrètes, des situations initiales, qui donnent à l'interrogation philosophique sa raison d'être.

Aussi, selon un platonisme qu'en cette occasion nous dirons inversé (parce que chez Platon, ce sont des essences idéelles ou des principes immuables qui octroient aux hypothèses un ancrage dans l'être réel), on pourrait suggérer que le retour à des situations concrètes, très simples, comme celles proposées au sein des ateliers-philo avec les 6èmes, permet aux élèves de terminale de rattacher les interrogations au réel lui-même, découvert dans ses occurrences problématiques dès l'éveil de la raison chez l'enfant.

Dès lors, ces moments d'interrogation avec les plus jeunes offrent aux processus dialectiques de la réflexion philosophique, par ailleurs mis en oeuvre dans les dissertations d'élèves, la possibilité de dépasser la dimension par trop horizontale qui caractérise souvent ces travaux de terminale, pour s'enrichir d'une certaine "verticalité". Moyennant une bonne préparation des lycéens aux thèmes et aux problèmes qu'ils proposeront aux collégiens (par exemple, sur la vérité, la préparation en amont des différentes acceptions classiques de la philosophie : la vérité comme adéquation de l'esprit et de la chose selon Thomas d'Aquin, la vérité comme cohérence logique des propositions, la vérité comme intuition certaine, la vérité comme sincérité et exigence morale etc.), il sera possible d'orienter les questions en jeu dans l'esprit d'une dialectique ascendante (du multiple vers l'un, du sensible à l'essence), sans perdre l'ancrage des futures conceptualisations dans la réalité, mise à jour d'abord par le questionnement concret de l'enfant, de cette jeune pensée qui s'éveille et s'étonne des sens insoupçonnés de certains termes (vertu "thaumaturgique" des premières découvertes philosophiques) ; mais aussi dans l'esprit d'une dialectique descendante, les distinctions au sein de certaines définitions conceptuelles informant tacitement la visée de certaines questions, relatives aux vécus des collégiens (par exemple, la controverse sur "un prétendu droit de mentir" entre Benjamin Constant et Emmanuel Kant en sous-main des interrogations de collégiens sur la possibilité éventuelle de "taire la vérité pour ne pas faire mal").

La deuxième raison qui, selon nous, éclaire l'intérêt d'une telle expérimentation renvoie à l'un des points soulevés plus haut : le problème des habitus scolaires. Les élèves ont, en philosophie, comme dans les autres matières, tendance dans les apprentissages à se mettre en retrait face aux connaissances acquises en cours d'année. Soit dit au passage, c'est l'une des conditions premières de tout apprentissage, qui vise à faire valoir d'abord l'autorité des savoirs établis. Mais ce retrait traduit une autre forme d'abstraction, non plus au niveau objectif des savoirs eux-mêmes, mais touchant cette fois la dimension du sujet réfléchissant. En philosophie, on aboutit alors à un usage possible des doctrines comme simples connaissances doxiques ; or, il n'est de pensée philosophique que dans l'affirmation d'un "je" pensant, d'une mise entre parenthèses préalable de toutes formes de connaissances, fussent-elles confirmées par l'autorité scientifique d'un philosophe. L'animation des ateliers place l'élève de terminale dans une position socratique particulièrement favorable à l'émergence d'un "cogito" philosophant : à la fois dans un espace de pensée affranchi de toute tutelle doctrinale, et dans la situation du référent questionnant, maître d'oeuvre d'un cheminement qui doit, depuis sa place d'animateur, être prêt soi-même à la découverte de propositions inattendues et nouvelles. Ce qui, à notre sens, ne peut que libérer les processus de subjectivation en jeu dans l'exercice de la dissertation comme pratique argumentative personnelle.

On le sait, c'est même un lieu commun : la philosophie, a fortiori lorsqu'elle fait l'objet d'un apprentissage scolaire, a une tendance consubstantielle à l'abstraction, le concept ayant pour vocation de dépasser la seule perspective des cas particuliers. Mais telle n'est pas sa nature : pour un élève de terminale, la conduite des ateliers "Graines de philo" rappelle à sa pratique qu'elle naît d'abord de l'impuissance des phrases toutes faites à satisfaire notre besoin de sens, face à des problèmes que la vie de tous les jours présente à la raison : la vie en tant qu'elle traduit ces problèmes par des étonnements, des craintes, des doutes, et toutes sortes d'affects. Comme le rappelle Deleuze : "le philosophe, surtout s'il est doué, a tendance à quitter le concret (...) il doit revenir à des perceptions, à des affects, qui doivent redoubler les concepts"3. Sans quoi, pourrait-on ajouter, la philosophie devient cet exercice qui s'apparente au rêve évoqué par Platon. L'expérimentation menée à Bischwiller, dans l'attention portée ici à l'élève animateur, vise à ouvrir les voies qui pourront mener celui-ci vers l'émergence d'un sujet philosophant réel.

Daniel Cassel


(1) Gilles DELEUZE, L'île déserte et autres textes, Paris, Éd. de Minuit, 2002, p. 339.

(2) PLATON, République VII, 533 b-c.

(3) Gilles DELEUZE, op. cit. p.340.