Débuter la Discussion à Visée Démocratique et Philosophique - 2) Au cycle 2

Nous avons publié dans le précédent numéro de Diotime l'expérience de débutants, en formation de master, qui ont tenté des DVDP en maternelle. Nous publions dans ce numéro des tentatives au cycle 2, et dans le prochain au cycle 3.

I) Au CP, Laurence Ferrer

1) Description et mise en place du dispositif

Tous les jours, en attendant la sortie en fin de journée, nous avons avec mes élèves de CP un temps de dialogue, qui porte soit sur une lecture offerte, soit sur le bilan de la journée, soit sur un événement de la classe ou de l'école. Les enfants aiment beaucoup ces moments car ils peuvent prendre la parole en toute liberté. C'est dans ce contexte là que j'ai trouvé judicieux de mettre en place une séance de discussion à visée démocratique et philosophique.

Cette séance a été préparée en amont en deux temps.

- D'abord, un soir, après une lecture offerte de Max et Lili qui portait sur le stress scolaire, les enfants voulant tous raconter une expérience personnelle, je leur ai proposé de faire un vrai débat : un autre jour, sur le temps de travail scolaire. Je leur ai expliqué que c'était un apprentissage différent mais très important pour la réflexion, le langage et l'écoute. Ils étaient tous d'accord et ravis.

- Puis un autre jour, j'ai bien expliqué aux enfants le dispositif du débat philosophique.

C'est un temps de parole pour avancer ensemble sur une question importante posée. L'objectif est de participer à un échange : questionner, apporter des réponses, écouter, exprimer son point de vue, ses sentiments, prendre la parole devant d'autres élèves, argumenter, tout en utilisant un vocabulaire précis. Cette parole est régie par des règles démocratiques (lever la main, attendre son tour...) dans un espace structuré (disposition en cercle). Tous les élèves ont des fonctions, des rôles qu'ils vont jouer dans la classe.

Mes élèves sont en début de CP, ont 5 ou 6 ans et ne savent pas écrire ; les rôles sont donc restreints, mais il y aura :

  • un animateur : l'enseignant qui met en place la discussion et veille à son bon déroulement. Il gère le reformulateur et coanime la séance (relance le débat, demande des précisions ou des exemples, fait le lien entre les intervenants...). Il établit un climat de sécurité et de confiance qui permet de libérer la parole ;
  • un président de séance : qui ouvre et ferme la séance et qui a pour rôle de distribuer la parole selon les règles établies (lever le doigt...). Il doit aussi gérer le synthétiseur quand il y en a un et tendre la perche aux muets pour gommer le phénomène de leadership ;
  • deux reformulateurs : ils écoutent, comprennent pour pouvoir redire ce qui vient d'être exprimé quand l'animateur le leur demande. Ils ne participent pas à la discussion mais ont un rôle très exigeant qui demande beaucoup de concentration ; c'est pour cela que j'ai décidé d'en nommer deux afin qu'ils puissent s'entraider pour comprendre et reformuler.

Il n'y aura pas de synthétiseur ni d'observateur car ce sont des rôles trop compliqués pour des CP ; tous les autres enfants seront donc des discutants. Leur rôle est de participer au débat en suivant un cahier des charges :

  • J'essaye d'intervenir.
  • Quand j'interviens, je dis ce que je pense.
  • J'évite de répéter ce qui a déjà été dit.
  • J'apporte des idées nouvelles.
  • Mais j'ai le droit de me taire.

Quelques questions plus tard, les enfants ont bien compris le dispositif et les enjeux du débat philosophique. Ils sont impatients d'en faire un. Le jour du débat arrive enfin.

La séance se déroule un mardi après midi de 14h30 à 15h15 : 15 mn de mise en place et 30 mn de débat. Les 24 enfants se disposent en cercle, mais la classe étant petite, des bureaux se retrouvent au centre du cercle ce qui gène un peu. Quand tout le monde est installé, les rôles sont répartis selon le volontariat suivi d'un tirage au sort.

Evidemment, tous voulaient être président ou reformulateur. Finalement M est président, et A et T reformulateurs. Les trois enfants viennent s'asseoir de part et d'autre de l'animateur. Pour faciliter et ritualiser la prise de parole il a été décidé que les enfants prendraient un gros feutre d'ardoise pour mimer un micro. Puis les règles indispensables sont rappelées :

  • Chacun a la parole.
  • On lève la main pour pouvoir prendre la parole.
  • Toute idée doit être argumentée.
  • On écoute sans couper la parole.
  • On ne se moque pas des autres.
  • On a le droit de se taire.
  • La parole est donnée en priorité à celui qui n'a jamais parlé.

La discussion peut maintenant commencer. Pour lancer le débat, je relis une petite histoire de "Max et Lili" qui s'intitule Max raconte des bobards, ce qui induit le questionnement de la séance : "Est ce qu'il faut toujours dire la vérité ?".

M déclare la séance ouverte et c'est parti pour deux fois un quart d'heure de dialogue, entrecoupés d'un temps de synthèse faite par l'animateur.

A la fin de la séance, une analyse positive est faite et, malgré l'heure de la récréation, certains élèves voudraient continuer à discuter, ce qui est motivant pour organiser d'autres débats.

2) Intérêts et compétences développées

Mettre en place une discussion philosophique répond à une certaine demande car :

  • Aujourd'hui les enfants sont très tôt animés par des questions existentielles et, face à eux, on trouve une école souvent déficiente quant aux grands problèmes de la vie.
  • Dans de nombreuses familles mais aussi dans de nombreuses classes on ne demande jamais leur opinion aux enfants.
  • L'école s'enferme dans une culture de la réponse et contribue peu au développement de la pensée réflexive.

Apprendre à philosopher devient alors intéressant pour les enfants et permet de développer quatre compétences du socle commun :

Compétence 1: la maitrise de la langue française.

  • Prendre part à un dialogue, prendre en compte les propos d'autrui et faire valoir son propre point de vue.
  • Reformuler un texte ou des propos lus ou prononcés par un tiers.
  • Parvenir à synthétiser et à résumer une idée.
  • Adapter sa prise de parole à la situation de communication.
  • S'exprimer clairement à l'oral en utilisant un vocabulaire juste, précis et approprié tout en formulant des phrases construites et cohérentes.
  • S'ouvrir à la communication et au dialogue.

Les enfants timides y trouvent un intérêt certain car, grâce à ce dispositif, ils peuvent prendre confiance et libérer plus facilement leur parole. Le débat philosophique encourage aussi ceux qui ont des difficultés à l'écrit car ils se rendent compte que le langage oral est source de nombreux apprentissages.

Compétence 5 : la culture humaniste.

  • Ouvrir l'esprit à la diversité des situations humaines.
  • Acquérir le sens de l'identité et de l'altérité.

Compétence 6 : les compétences sociales et civiques.

  • Respecter les autres (civilité, tolérance, refus des préjugés et des stéréotypes).
  • Respecter les règles de la vie collective ; savoir ce qui est interdit et ce qui est permis.
  • Appliquer les codes de la politesse dans ses relations avec ses camarades, avec les adultes à l'école et hors de l'école, avec le maitre au sein de la classe.
  • Savoir écouter, faire valoir son point de vue, négocier, rechercher un consensus.

De manière plus générale, le débat philosophique apprend aux enfants à "vivre ensemble" car il induit les apprentissages suivants :

  • Apprendre à accepter les contraintes de la vie sociale et à s'y soumettre.
  • Apprendre à connaitre son propre fonctionnement social et celui des autres.
  • Apprendre à devenir responsable de ses paroles, de ses comportements et de ses actes.
  • Apprendre à taire son intérêt personnel (l'émotionnel) au profit de l'autre, du groupe ou de l'intérêt général (la raison).
  • Apprendre à passer d'une posture réactive (sous l'emprise de mes émotions) à une posture constructive donc relationnelle, dans laquelle j'accepte la différence, le désaccord, l'autre, l'étranger.
  • Apprendre à agir et à penser avec son coeur.

Compétence 7 : l'autonomie et l'esprit d'initiative.

  • Développer la capacité de juger par soi même.
  • Etre capable de raisonner avec logique et rigueur.
  • Distinguer ce dont on est sûr de ce qu'il faut prouver.
  • Prendre conscience de l'influence des autres sur ses valeurs et ses choix.

Au-delà de ces quatre compétences, les ateliers philosophiques développent chez l'enfant l'estime de soi et le respect des autres qui favorisent tous les autres apprentissages. De plus, le débat philosophique est pour l'élève un moment motivant car en rupture avec le fonctionnement habituel de la classe :

  • Du point de vue du sujet étudié, il est hors champ de l'acquisition des connaissances.
  • Du point de vue des enjeux : ils ne sont pas scolaires, pas d'évaluation.
  • Du point de vue de l'organisation : il favorise le débat démocratique.
  • Du point de vue de la communication : le contrat didactique est différent.

Au vu de toutes les compétences travaillées par les enfants, il est évident que l'enseignant trouve aussi de nombreux avantages au débat philosophique. En ce qui concerne la maitrise de la langue, il s'avère être une situation de communication véritable qui permet de faire progresser les apprentissages. Cela permet de donner du sens à des situations décrochées d'apprentissage. Cette pratique peut permettre à l'enseignant de créer des liens entre expression orale et expression écrite, et par là même de faire découvrir des auteurs, des textes ou des idées autrement que par la lecture et l'écriture.

De plus la discussion philosophique s'inscrit parfaitement dans les nouveaux programmes puisqu'en fin de cycle 2, les enfants doivent être capables de participer à un débat. Ces ateliers favorisent aussi l'enseignement de la morale à l'école tout en développant l'autonomie des enfants. Un des intérêts à ne pas oublier par l'enseignant est de donner du plaisir aux enfants qui, par le biais du débat, apprennent sans stress et avec une motivation accrue. Par cette pratique enfin, l'enseignant apprend à mieux connaitre ses élèves, ou à les découvrir différemment, ce qui est bien sûr un plus pour les accompagner tout au long de l'année dans les apprentissages.

3) Les difficultés rencontrées

Dans l'ensemble, la séance s'est bien déroulée, mais quelques difficultés ont quand même été rencontrées.

Tout d'abord au niveau de l'organisation. Pour gagner du temps, les chaises et les bureaux avaient été déplacés avant l'arrivée des enfants dans la classe, ce qui en a contrarié certains qui cherchaient leur bureau partout. De plus la classe étant petite, nous avons eu du mal à être tous en cercle ; nous étions un peu serrés et les bureaux au milieu gênaient la communication.

Cette disposition a également eu un impact sur la prise de parole car le "micro" circulait lentement d'où des temps de silence entre les interventions.

Ensuite, au niveau du débat, plusieurs observations portent à réflexion pour trouver des améliorations : en premier lieu, au sujet du président M, qui submergé de doigts levés, donnait plutôt la parole à ses copains. Les reformulateurs, eux étaient très différents : A, petite fille sérieuse suivait et comprenait les discussions, alors que T, bien que volontaire, se perdait dans ses explications qui n'en finissaient pas ; de ce fait, les échanges entre reformulateurs pour raconter au mieux, trainaient en longueur ; j'ai trouvé T assez anxieux dans ce rôle.

En tant qu'animatrice, je suis donc intervenue assez souvent pour guider M dans des choix de discutants, et pour aider les reformulateurs à comprendre et tomber d'accord.

En ce qui concerne les discutants, ils ont joué le jeu, mais certains voulaient constamment parler alors que 4 ou 5 restaient passifs. Parmi les "muets", il y avait M qui est toujours dans la lune, L qui est très timide et M, toujours stressé par le travail, qui a eu du mal à sortir du cadre scolaire classique avec une attente bien définie du professeur.

D'autres discutants se sont un peu agités et exposaient leurs arguments à leur voisin sans attendre leur temps de parole ; là aussi mon rôle d'animatrice a été important. Certains hésitaient quand ils avaient la parole, ou même n'avaient rien à dire ; ils avaient juste levé le doigt pour faire plaisir à la maitresse ou pour faire comme les autres !

Au début, tous ont eu du mal à se décentrer par rapport au texte de "Max et Lili", j'ai donc dû les aider pour entendre des expériences personnelles. Ensuite chacun racontait sa petite histoire, mais il y a eu très peu de confrontations et de contre arguments.

La plupart avaient aussi des problèmes de vocabulaire et de syntaxe (marque de négation mal employée, phrases pauvres en vocabulaire, répétitions...).

Dans les moments forts de la séance il y a eu également N, le pitre de la classe, qui a dit une bêtise ce qui a fait rire tout le monde et j'ai dû hausser le ton pour imposer un retour au calme.

Puis, sur la fin, quelques enfants ont fait des révélations sur des mensonges un peu gênants à entendre (dénonciations, histoires de famille...) ; j'ai alors pris l'initiative de reformuler de manière plus neutre et plus abstraite, pour diminuer l'impact émotionnel et relancer le débat.

Le dernier point négatif se situe à la fin de la séance, qui a été difficile à arrêter car les enfants voulaient continuer à parler de vérités et de mensonges.

L'analyse du débat a donc été reportée après la récréation, et j'ai remarqué que beaucoup avaient continué la discussion dans la cour. D'ailleurs les enfants ont eu du mal à comprendre et à faire l'analyse car ils étaient toujours dans leurs idées du débat.

4) Solutions pour améliorer le déroulement de la séance

Au niveau de l'organisation, je pense qu'il serait préférable de travailler en demi-groupe, de façon à ce que tous s'expriment, même les plus timides, et que chacun parvienne à trouver une plus grande confiance en soi. Il serait même intéressant de pratiquer le débat philosophique en Activités Pédagogiques Complémentaires, en ciblant les enfants qui ont du mal à prendre la parole.

Pour l'espace, et surtout si la classe reste entière, cela serait plus pratique de descendre à la salle de motricité ; plus spacieuse, nous pourrions nous mettre tous en cercle sans bureaux encombrants au milieu.

Le fait de sortir de la classe permettrait en plus de ritualiser le débat et de rompre avec le fonctionnement habituel rigide et scolaire. Pour un élève anxieux comme M, cela pourrait diminuer le stress et favoriser les prises de parole.

En ce qui concerne la prise de parole, le gros feutre pourrait être remplacé par un vrai micro ; les enfants seraient plus motivés et seraient tous au même niveau de décibels, ce qui permettrait de moins intervenir pour répéter les arguments avancés par ceux qui parlent doucement. Et pour la circulation du micro, pourquoi ne pas désigner un responsable qui le porterait aux discutants ? Je pense que nous pourrions gagner du temps et cela éviterait que les enfants se dissipent entre deux interventions.

Au niveau des rôles, je m'interroge sur le nombre de reformulateurs. Le fait qu'ils soient deux a permis de gagner en précision quant à la reformulation, mais a fait perdre du temps. Pour le prochain débat, je ne choisirai qu'un seul reformulateur pour pouvoir comparer les deux dispositifs ; je pense que ce sera plus simple.

Pour la prochaine séance, je ferai aussi particulièrement attention à mes prises de parole en tant qu'animatrice ; en effet, je suis intervenue souvent pour gérer les reformulateurs, cadrer le président de séance et calmer les discutants, mais je n'ai pas assez guidé les enfants dans leur processus de penser. Je les inviterai à préciser leur pensée, à la développer et à l'argumenter tout en tenant compte du discours d'autrui. En fait j'ai trop géré le groupe et pas assez les idées ; il faudra donc que je trouve un juste équilibre.

Le thème choisi porte aussi à réflexion ; je ne l'ai pas assez travaillé en amont afin de lister les réponses possibles des enfants ; de ce fait, certains arguments m'ont surprise. J'analyserai donc les prochains sujets choisis pour anticiper et être mieux préparée aux situations délicates qui pourraient se présenter.

Enfin, pour finir de structurer les séances de discussion philosophique, j'aimerai construire une trace écrite sans toutefois transformer cette pratique en une activité purement scolaire. Pour cela, je trouve intéressante l'idée de désigner deux journalistes qui ne participeraient pas au débat, mais devraient le résumer à la fin. Ils auraient un peu le rôle de synthétiseurs, mais ne sachant pas écrire, ils raconteraient leur synthèse afin que nous puissions élaborer une trace écrite à coller sur un cahier de philosophie.

Conclusion

Je dirai pour conclure que cette pratique scolaire du débat philosophique collectif a été très positive. Mes CP sont petits, ils ne savent pas écrire, mais ils fourmillent d'idées et d'histoires à raconter. Avec le débat, ils ont découvert une nouvelle façon d'apprendre qui leur a beaucoup plu. Ils ont pris conscience que la pensée réflexive, la maitrise orale de la langue et l'éducation à la citoyenneté étaient des compétences importantes du programme qui pouvaient se travailler autrement. Pour moi, enseigner différemment a été très formateur dans la connaissance de mes élèves. Au final nous sommes tous d'accord : nous renouvellerons très vite cette belle expérience.

II) Au CE1, Sandra Delmas

Le débat à visée philosophique vise à engager une discussion en classe sur un sujet qualifié de "philosophique". Ce dispositif peut se définir par le fait qu'il s'agit d'un questionnement intellectuel collectif, où les élèves qui souhaitent donner leur point de vue le font de façon démocratique. Lors de ce débat, chaque élève a un rôle bien particulier, ainsi, il y a :

  • Un président de séance : il répartit la parole selon des règles préétablies : celle-ci est attribuée par ordre chronologique lorsque l'un d'eux lève le doigt ; les élèves qui se sont moins ou pas exprimés et qui demandent la parole sont prioritaires. Au bout d'un moment, lorsque le débat est bien avancé et que certains élèves ne se sont jamais exprimés, le président de séance peut inviter les élèves "muets" à donner leur point de vue, sans les forcer cependant. Le président est animateur sur la forme du débat.
  • Le secrétaire de séance : celui-ci prend des notes sur ce qui est dit et fait une synthèse à la fin du débat. Il doit noter tous les arguments proposés, tout en restant objectif (ne pas influencer son écrit par son propre point de vue).
  • Un reformulateur : lorsque ce qu'un élève a dit n'est pas clair, le reformulateur est invité à réexpliquer ce qui a été dit, de façon objective. Ce rôle permet d'apprendre aux élèves à s'écouter.
  • Les discutants : ils interviennent dans le débat, en levant le doigt au préalable, les discutants expliquent ce qu'ils pensent, ils doivent éviter de répéter des arguments qui ont déjà été énoncés en apportant des idées nouvelles.

Le professeur a un rôle d'animateur sur le fond du débat et non sur la forme. Il explique et met en place la disposition de classe, le débat, ses règles... Il guide également le débat lorsque celui-ci s'essouffle et qu'aucune idée nouvelle ne vient.

Ainsi, ce dispositif à une double finalité.

Une finalité démocratique, puisque le débat est organisé selon des règles préétablies. En effet, chaque élève a un rôle bien défini, qu'il ne doit dépasser (président de séance, secrétaire, reformulateur ne peuvent exprimer leur point de vue par exemple). Les règles de prises de parole sont précises, puisque celle-ci est distribuée uniquement par le président de séance. Pour que cette parole soit accordée, l'élève doit attendre patiemment en levant la main, que celui-ci soit interrogé. Par ailleurs, les élèves qui n'ont jamais parlé sont prioritaires par rapport à ceux qui sont déjà intervenus lorsqu'ils lèvent la main. Cet aspect-là du débat, de par sa rigueur et sa précision, permet de former les élèves à la citoyenneté, au respect de la parole de l'autre et de son opinion.

Une finalité "philosophique", puisque les élèves sont amenés à réfléchir, à se questionner, sur des notions, des valeurs, qui ont une définition personnelle pour chaque individu. L'élève, par le biais du questionnement général du débat, est amené à se questionner lui-même sur les concepts mobilisés. Ainsi, ce questionnement se fait de façon individuelle mais aussi collective. En effet, les élèves, en écoutant les arguments de leurs camarades, peuvent modifier leurs opinions, leurs pensées cheminent au fil du débat, influencées par les arguments des camarades.

Lors des débats philosophiques, les élèves sont également amenés à définir une notion, un concept. La question engagée par le débat philosophique commence le plus souvent par : "qu'est-ce que... ?", "Quelle est la différence ?". Ces questions sous-entendent la définition de concepts, de valeurs, comme l'amour, l'amitié, le courage. Les élèves participant au débat ont eux-mêmes choisi de participer au débat, ils ont le droit de ne pas parler, de ne pas donner leur point de vue.

Pour résumer, le débat à visée philosophique a pour objectif d'amener les élèves à penser par eux-mêmes, sans l'influence du professeur et de son statut d'adulte, qui pourrait modifier leur jugement. En effet, durant le débat à visée philosophique, le professeur ne donne à aucun moment son opinion sur le sujet du débat ; il peut simplement réorienter le débat ou approfondir une idée qui n'a pas été assez développée. Les élèves animent donc une discussion de façon autonome, sous la vigilance de l'enseignant.

Les difficultés rencontrées

Tout d'abord, ma salle ne permet pas de créer une configuration optimale pour un débat. En effet, la pièce est extrêmement petite, les chaises sont liées aux bureaux. Ainsi, j'ai donc décidé de faire asseoir les élèves sur leurs bureaux, en une disposition rectangulaire, de façon à les rapprocher pour pouvoir discuter en toute liberté.

Je me suis placée à l'extérieur de ce groupe de parole car je n'avais pas la place de rentrer avec eux dans le "cercle". Je me suis donc installée à mon bureau, de façon à les laisser en autonomie, tout en pouvant intervenir (uniquement pour les guider, approfondir le débat).

Je suis en classe de CE1, celle-ci comporte 24 élèves (17 garçons et 6 filles) qui peuvent parfois être un peu bavards. Avant de commencer le débat, je leur ai laissé un quart d'heure pour lire le texte de Thierry Dedieu, Yakouba (Seuil Jeunesse, 1994), de façon individuelle, en leur précisant qu'on allait ensuite en discuter en classe entière. Ce texte permet d'aborder la question du courage. Ce texte est assez résistant, même pour des élèves de CE1, les élèves ont ensuite tenté d'expliquer le sens de l'histoire et de la raconter, avant de commencer le débat.

Les élèves se sont donc ensuite installés en cercle, je leur ai donc expliqué les règles précisément (prise de parole, définitions des différents rôles, droit de ne pas s'exprimer, on ne répète pas une idée déjà formulée...). Après avoir clairement défini le fonctionnement du débat, j'ai nommé le président de séance, le secrétaire, le reformulateur. J'ai tout de même souhaité nommer deux observateurs pour analyser le président et le secrétaire. J'ai également posé toutes les règles régissant le débat à visée philosophique (prise de parole démocratique, on ne répète pas une idée déjà formulée...). Le débat a été lancé en posant la question "Qu'est-ce que le courage ?".

Globalement, lors du débat, la classe est restée calme, mais certains élèves ont tout de même parlé sans avoir levé le doigt. A un moment, le débat a dû être interrompu car il y avait trop de bruit et les élèves ne s'écoutaient plus.

Le élèves qui participent déjà beaucoup en cours sont les mêmes qui ont levé le doigt, les élèves timides ne se sont pas exprimés. J'ai demandé au président de suggérer aux élèves silencieux de parler s'ils voulaient s'exprimer, mais ceux-ci ne l'ont pas souhaité. Par exemple, aucune fille ne s'est exprimée sur le sujet, ce qui est très regrettable. Le président est assez timide en classe, il n'ose donc pas interroger les élèves, sa voix est assez basse, elle ne porte pas assez pour se faire entendre de tous.

Concernant le fond du débat, les élèves sont restés, concernant la notion de courage, sur l'aspect de combat (exemple d'un dragon que l'on doit combattre, affronter un lion comme dans le texte, affronter ses ennemis, combattre ses peurs, vaincre...). Les élèves n'ont pas dépassé cette notion.

Ils ont donc répété à plusieurs reprises les mêmes idées, malgré mes tentatives pour les guider (exemple : pour vous, dans votre vie de tous les jours, c'est quoi le courage ?, Qu'est-ce qu'un enfant courageux ?). Une réponse intéressante a été : "un enfant qui est courageux c'est par exemple quelqu'un qui tente de faire du vélo, alors qu'il peut tomber". Mais l'idée n'est pas allée plus loin.

Par ailleurs, les observateurs voulaient participer au débat, ils se sont retrouvés frustrés de ne pouvoir le faire.

Enfin, la dernière difficulté concerne le secrétaire : en CE1 les élèves n'ont pas la capacité de prendre des notes complètes sur tout ce qui est dit (manque de rapidité). L'élève qui avait cette charge, bien que doué en écriture, n'a donc noté que des bribes d'arguments, des mots clefs, qu'il a relu dans le désordre lors du retour en bilan.

Les propositions d'amélioration

Faire un retour collectif sur le texte car les élèves n'ont pas compris la finalité du texte. J'aurai dû, après lecture, leur expliquer le fond du texte, dépasser cette idée de combat, comme le fait le texte, puisque dans celui-ci, ne pas combattre est une forme de courage. Sinon il aurait fallu que je traite d'un autre sujet qui n'aurait pas nécessité de texte.

Le rôle d'observateur doit effectivement être réservé au cycle 3, car les élèves veulent vraiment participer et se sentent frustrés de ne pouvoir le faire.

J'aurai dû demander aux élèves de rédiger une courte phrase sur leur conception du courage, ainsi qu'une courte phrase en fin de débat pour la faire lire par les élèves qui sont restés silencieux lors du débat. Cette écriture aurait également permis aux élèves d'observer la différence entre leur conception initiale et celle qui est apparue après le débat, influencée par les autres. Mais le manque de temps ne me l'a pas permis.

Le choix du président n'a pas été optimal : il faut un président qui ne soit pas timide, qui ose interroger les élèves qui ne demandent pas la parole. Le président doit avoir une voix assurée, être à l'aise à l'oral.

Pour limiter les bavardages, on peut peut-être envisager de séparer le groupe classe en deux, certains faisant une activité en autonomie (exemple : plan de travail). Ainsi, les élèves les plus timides auraient surement osé parler, donner leur avis, sans avoir peur de parler devant un grand groupe

Il faut diminuer encore la place de la maîtresse. En effet, lors du débat, les élèves, lorsqu'ils énonçaient un argument, me regardaient, au lieu de regarder leurs camarades. A force de leur spécifier ce point, ils ont fini pas moins me regarder, même s'ils s'adressaient encore en priorité à l'enseignante (ils voulaient donner la bonne réponse, alors qu'il n'en existait pas).

Il me faut encore plus guider les élèves, prendre un réel rôle d'animateur qui anime le débat sur le fond, qui redirige les idées lorsque le débat tourne en rond, mais ceci est complexe, je n'arrive pas encore à trouver les bons mots, les bonnes questions pour cela. Il me faut par ailleurs m'installer avec eux dans le cercle, et reformuler ce qui a été dit, amener les élèves plus loin dans leurs réflexions, leurs idées, souvent très pertinentes, mais pas assez poussées.

III) Au CE1, Milène Parazols

1) Description du dispositif

Mon projet de DVDP concerne une classe de CE1 dans laquelle je travaille à mi-temps.En début d'année, les élèves ne connaissaient pas le dispositif d'une DVDP. C'est ainsi que lors de la première séance, j'ai pris le temps d'installer les différents rôles et les règles à respecter pour mener à bien une DVDP. Ainsi, les DVDP menées en classe sont composées d'un animateur (rôle que j'endosse), d'un président, d'un reformulateur, d'un observateur du président et des discutants. J'ai en effet fait le choix d'adapter dans un premier temps les différents rôles ; ensuite au cours de l'année je proposerai aux élèves d'endosser d'autres rôles comme celui de synthétiseur.

La classe est composée de 26 élèves. Lors de la première discussion, j'ai fait le choix de la mener en classe entière. En ce qui concerne le lieu de la discussion, nous nous sommes installés en salle de musique, où les élèves peuvent s'asseoir en demi-cercle et se sentent à l'aise pour s'exprimer hors du cadre officiel de la classe.

Pour ce qui est de l'élément déclencheur de la première discussion, j'ai choisi un album de jeunesse intitulé Adam et Eve de Grégoire Solotareff. J'ai interrompu ma lecture à un moment clef de l'histoire, ce qui a permis aux élèves de faire émerger les concepts principaux.

2) Document de préparation et de conduite d'animation d'une DVDP (première discussion en groupe classe)

Déroulement suivi par l'animateur :

  • distribution des différents rôles et rappel des fonctions de chacun (le président de séance, le reformulateur, l'observateur du président).
  • rappel des règles démocratiques : on ne se moque pas, on écoute celui qui parle, la parole est donnée en priorité à ceux qui ont le moins parlé, on a le droit de ne pas parler).
  • rappel des exigences philosophiques : donner son avis, l'illustrer par des exemples, poser des questions et essayer de définir les mots que l'on emploie (être capable de conceptualiser, de problématiser et d'argumenter).
  • rappel de la question.
  • 1er tour pour que chacun donne son avis.
  • relancer la question de départ pour commencer la discussion.
  • dernier tour (reprendre la question de départ et donner son avis).
  • bilan météo.

Thème : l'amitié
Concept central : l'amitié
Concepts connexes : tentation - jalousie - abandon - superficialité - séduction - influence - fidélité - partage.
Support : Adam et Eve de Grégoire Solotareff. Lecture initiale : jusqu'au moment où Eve
(l'école des loisirs) prend conscience qu'elle est manipulée par le serpent.
Question de départ :
" Qu'est-ce qu'un ami ?"
Questions de relance :
"Pourriez-vous donner une définition de l'amitié ?"
"Peut-on acheter l'amitié de quelqu'un ?" (référence : concepts de superficialité, d'influence et de séduction).
"Quel est le but de l'amitié ?" (référence : concepts de partage, de fidélité).
"Comment faire pour garder un ami ?" (référence : concepts de partage et de fidélité).
"Comment choisir ses amis ?" (référence : concept de superficialité).
"Doit-on abandonner ses amis quand on s'en fait des nouveaux ?" (référence : concepts de superficialité et d'abandon).
Repères théoriques :
L'album de jeunesse choisi a pour influence le livre de la Genèse, premier livre de la Bible
racontant la genèse de l'humanité. Plus précisément il s'inspire de l'histoire d'Adam et Eve, les deux premiers humains créés par Dieu et qui ont vécu dans le jardin d'Eden avant
d'en être chassés.
L'auteur de l'album s'est donc inspiré de cette histoire biblique et en a extrait deux concepts centraux : celui de la séduction et de la tentation.
En effet, la séduction consiste à provoquer l'admiration ou même l'amour chez une ou plusieurs personnes. La tentation renvoie ici à l'idée de désir, d'attrait et d'envie.
D'autres concepts apparaissent tout au long de l'album : la jalousie provoquant un sentiment d'anxiété (peur de perdre un ami) ; l'abandon (ici l'abandon d'un ami qui se retrouve isolé) ; la superficialité (une amitié qui n'est pas réciproque, non sincère) ; le partage (une amitié basée sur des échanges, une réelle communication et de réelles affinités).
Citations ressources :
"Les vrais amis t'aiment pour ce que tu es et non pour ce qu'ils veulent que tu sois" (Ted Rall)
"Un ami, c'est quelqu'un qui sait tout de toi, et qui t'aime quand même" (F.W. Hubbard)
"Les amis sont des compagnons de voyage, qui nous aident à avancer sur le chemin d'une vie plus heureuse." (Pythagore)

3) Les intérêts du dispositif

La pratique de la DVDP en classe permet de travailler principalement la pensée et le langage chez élèves. En effet, les élèves apprennent à exprimer leurs opinions et à s'écouter. Selon moi, développer l'écoute et le respect de l'autre permet d'augmenter la cohésion sociale de la classe et par la suite de faciliter les apprentissages.

C'est ainsi, qu'en tant qu'enseignante, plusieurs intentions éducatives sont poursuivies dans la mise en place de la DVDP. Cette démarche permet aux élèves d'aborder une réelle discussion et de respecter des rôles et des règles instaurées par la classe pour le bon déroulement du dispositif. Mes intentions éducatives consistent dans un premier temps à leur faire découvrir un nouveau dispositif de travail et une nouvelle manière de pouvoir s'exprimer en groupe. En effet, même s'ils n'ont pas de grosses difficultés d'écoute et de compréhension, j'ai constaté que ce sont des élèves qui ont du mal à s'exprimer et à avancer des arguments. Mon intention est donc de les amener à acquérir des compétences langagières et argumentatives pour faciliter leur expression orale.

4) Les ressentis et les difficultés rencontrées

Dès le début de la mise en place du dispositif, les élèves ont montré de la curiosité et de l'investissement. En effet, ils étaient curieux de connaitre le fonctionnement de ce nouveau dispositif de travail. Ils se sont appropriés les différentes fonctions et règles en montrant un réel intérêt. Lors de la mise en place de la première discussion, ils ont été surpris par le fait que je leur présente un album de jeunesse, pour ensuite arriver à la question de départ. A ce moment là, je les ai sentis mobilisés et intéressés. Cependant, lors de la discussion plusieurs élèves sont restés en retrait et se sont exclus du groupe. C'est à la fin de la discussion que certains ont entrepris de donner réellement leur avis "non je ne suis pas d'accord avec ce qui vient d'être dit parce que...". En général, les règles démocratiques ont été respectées même si au début le président de séance a dû intervenir par rapport à une moquerie. Le président a su tendre les perches qu'il fallait à ceux qui sont restés en retrait, de manière équitable.

Les élèves ont apprécié cette première discussion, même s'ils ont eu du mal à rebondir sur les idées des uns et des autres. En ce qui concerne le président de séance, le reformulateur et l'observateur, ils étaient tous les trois déçus de ne pas pouvoir participer activement à la discussion, même s'ils ont apprécié la fonction qui leur a été attribuée.

En outre, j'ai eu beaucoup de mal à me positionner en tant qu'animatrice. Mais au fur et à mesure, j'ai essayé de m'effacer pour laisser la place au président de séance et au reformulateur. De plus, je me suis rendue compte que les questions de relance étaient nécessaires pour redonner du souffle à la discussion et amener les élèves à définir plus précisément leurs arguments.

5) Les améliorations proposées

J'ai par la suite entrepris une deuxième discussion en demi-groupe, pour essayer de remédier aux difficultés rencontrées en grand groupe. Les élèves se sont sentis plus à l'aise et ils ont pu tous s'exprimer plusieurs fois. J'ai également pu prendre plus de temps pour les amener à essayer de définir les concepts. A la fin de la discussion, le bilan général était plutôt positif et au vu de cette évolution je pense continuer ce travail de groupe avec eux. Le choix du dispositif en demi-groupe m'a permis de "lâcher prise" sur mes élèves. J'ai ainsi essayé de me mettre en retrait pour que les élèves deviennent acteurs et non pas simples participants de la discussion. Ainsi, mon objectif était de leur permettre de mener la discussion sans avoir besoin de les guider constamment.

IV) Au CE2, Anne-Caroline Guépin

1- Description du dispositif utilisé

J'ai animé une discussion à visée philosophique dans une classe de CE2, composée de 26 enfants âgés de 8 et 9 ans. C'est une classe très agitée que j'ai rencontrée en ce début d'année. Je suis à mi-temps et les élèves doivent s'adapter à deux enseignantes : celle du mardi et lundi et celle du jeudi et vendredi. Ils ont déjà vécu cette situation puisque l'année dernière l'enseignante titulaire est partie en congé maternité en milieu d'année. Les élèves ont été perturbés par ces changements et cela s'est ressenti en début d'année lorsqu'il a fallu se mettre sur ce rythme de mi-temps. Le groupe classe a du mal à se réguler lorsqu'il s'agit d'écouter l'autre, de respecter l'adulte qui donne une consigne et de travailler dans une ambiance calme. Il m'a donc fallu installer progressivement des règles de vie, de fonctionnement au sein de ce groupe classe pour démocratiser les temps de parole. Un travail important est donc mené depuis le début de l'année pour institutionnaliser les temps de parole :

  • Les "quoi de neuf" du lundi matin : pour introduire progressivement les fonctions de président et de responsable du temps je propose un temps de parole le lundi matin pour permettre aux élèves de s'exprimer sur un sujet qu'ils ont envie de partager. Ce temps est minuté par un élève qui manipule un chronomètre (4 minutes environ ) et est présidé par un autre qui distribue la parole au sein du reste de la classe. Chaque enfant est libre de s'exprimer ou non et on évite de reprendre un fait déjà évoqué. Cette dernière condition a été rajoutée dès le 2nd "quoi de neuf", parce que beaucoup d'enfants imitaient leur camarade en s'appropriant leur sujet : exemple : - "j'ai mal dormi cette nuit, je suis tombée de mon lit .... "Moi aussi j'ai mal dormi cette nuit ...".
  • Le travail en groupe : il est vécu régulièrement en sciences, en résolution de problème et en grammaire pour susciter le conflit sociocognitif entre les élèves. Chaque groupe est constitué de 4 élèves avec un responsable du temps, un secrétaire, un responsable du calme et un responsable de la parole.

Pour permettre aux élèves de rentrer dans leur rôle, j'ai matérialisé leur fonction avec des cartes qui représentent au recto leur responsabilité et au verso le descriptif de cette fonction . (voir cartes en annexes 1 et 2 ).

Ces outils mis en place institutionnalisent les temps de parole et préparent donc l'installation du dispositif de DVDP. J'ai pu organiser deux mois après la rentrée un débat introduit en deux temps :

  • un premier temps le matin, où j'ai expliqué aux élèves le fonctionnement du DVDP, sa visée, ses règles à l'oral avec un support écrit et les différentes fonctions (voir annexes 3 et 4). J'ai ensuite disposé les enfants en cercle dans la classe devant le tableau sur des chaises et chacun a choisi son rôle : secrétaire, président, discutant, observateur ou reformulateur. Le sujet du débat fut imposé : "Pourquoi va-t-on à l'école ? A quoi ça sert d'aller à l'école ?" Je l'ai voulu court : 10 min pour permettre aux élèves de vivre le dispositif choisi, de comprendre leur fonction.
  • un second temps l'après-midi, où un débat de 30 min fut vécu à la cantine, en cercle, autour d'une problématique préalablement construite par les élèves.

Pour faire émerger avant le temps du débat la problématique en classe, j'ai demandé aux enfants de réfléchir chacun à une question philosophique. J'ai recueilli les questions au tableau. Ce temps m'a permis de mesurer si les élèves avaient compris ce qu'est une question philosophique. Les problématiques apportées étaient très intéressants mais une seule fut retenue en votant à main levée : "Pourquoi certaines paroles font du bien et d'autres font du mal ?".

Les élèves reprirent la même disposition spatiale que le matin et gardèrent la même fonction :

  • 1 président
  • 1 secrétaire
  • 3 reformulateurs
  • 6 observateurs
  • 15 discutants

J'ai introduit la fonction d'observateur pour réduire le nombre de discutants.

Chacun a répondu individuellement sur son cahier au début du débat et à la fin.

2 - Intérêt pour les enfants et l'enseignant d'une telle pratique

Comme je l'ai déjà évoqué plus haut, l'installation des outils de travail en groupe, des temps de "quoi de neuf", puis du dispositif de DVDP autour d'une problématique d'ordre philosophique m'ont permis d'institutionnaliser les temps de parole dans ma classe. Cela apprend aussi aux élèves à communiquer entre eux sans violence, en s'exprimant avec des mots les plus justes possibles ! Le choix du sujet par les enfants eux-mêmes était très motivant pour la discussion ensuite. Il correspondait à ce que les enfants vivent, ils étaient tous concernés. Par ailleurs ils entrent facilement dans leur rôle avec les cartes qui les aident à se structurer, se positionner les uns par rapport aux autres. Les élèves sont en demande de dispositifs très construits qui sécurisent les discussions, autour de thèmes qui les concernent. Dans ce dispositif, chaque enfant a un rôle, une place et cela est très important pour valoriser la personne. Chacun apprend à développer une écoute attentive et respectueuse de l'autre sans jugement .

L'enseignant peut travailler et valider certaines compétences de manière non scolaire (exprimer et justifier un accord ou un désaccord ; émettre un point de vue personnel et motivé). Je reprends souvent en classe la carte du reformulateur pour inciter certains enfants à

Ecouter... et c'est efficace !

3 - Les difficultés rencontrées lors de la mise en place de ce dispositif de DVDP et les solutions envisagées pour y remédier

La disposition en cercle est très difficile dans ma classe et l'utilisation de la cantine était indispensable pour débattre. Cependant ce cadre n'était pas idéal et les sons résonnaient (structure préfabriquée ...) et l'installation a pris du temps. Néanmoins une fois bien installés, les élèves étaient très disposés à débattre.

Le fait que le sujet fut choisi le matin le jour même ne laisse pas beaucoup de temps à l'enseignant de le préparer : il faudrait le choisir quelques jours avant avec les enfants.

L'effectif de la classe (26) ne facilite pas les échanges, d'où l'introduction des observateurs.

Peut-être faudrait-il faire des demi-groupes pour la suite, et supprimer la fonction d'observateur qui est très difficile à comprendre pour un enfant de CE2. La prise de notes autant pour le secrétaire que pour les observateurs est difficile. Le secrétaire était aidé par moi-même, mais les 6 observateurs non. C'est pourquoi je pourrai préparer une grille d'observation simple qui pourrait être gérée par ces observateurs : noter le nombre de prises de parole par chaque discutant etc.

Annexes

1- Cartes travail en groupe

Responsable du temps : je gère le temps, je dois faire respecter le temps annoncé pour le travail dans mon groupe.

Responsable de la parole : Je distribue la parole et vérifie que chacun donne son point de vue.

Responsable du calme : Je rappelle à mes camarades que l'on doit chuchoter.

Le secrétaire : J'écris ce que pense le groupe et je l'explique au reste de la classe.

2 - Cartes DVDP

3 - Fiche élève

Débat philosophique

Qu'est-ce que c'est ? Débattre c'est discuter avec les autres, puis discuter avec soi-même. On dit les idées que l'on a dans la tête. Ces idées peuvent venir des parents, de la télévision, d'un journal etc. C'est penser. Puis on apprend à penser ce que l'on dit : On apprend à penser par soi-même. On définit les mots que l'on utilise, c'est de la philosophie. On dit pourquoi on dit telle ou telle phrase. On se justifie, on argumente. On réfléchit à plusieurs et seul.

Voici les règles pour débattre ensemble dans le cercle :

  • Pour parler, il faut demander le bâton de parole en levant le doigt.
  • On ne parle que quand on a le bâton.
  • Tous les élèves écoutent celui qui parle.
  • On ne répète pas ce qu'a dit quelqu'un ou la maîtresse.
  • On ne se moque pas.

Le reformulateur : Je n'interviens pas dans le débat. J'écoute et j'essaie de comprendre pour le redire avec d'autres mots (=je reformule).

Le secrétaire : Je n'interviens pas dans le débat. J'écris ce que pense le groupe et je l'explique au reste de la classe.

Le président : Je distribue la parole dans l'ordre des inscriptions. Je déclare la séance ouverte et je déclare la séance close.

Observateur : Je n'interviens pas dans le débat. J'écoute et j'observe le président, le secrétaire ou le reformulateur.

- Personne n'est obligé de parler.

4 - Fiche préparation enseignant

1ère phase : expliquer ce qu'est un débat philosophique (voir plus haut).

2ème phase : on explique le déroulement

Nous sommes réunis ici pour :

  • parler des choses de la vie ;
  • comprendre qu'il y a d'autres façons de penser que la sienne ;
  • pour dire ce que l'on pense et penser ce que l'on dit ;
  • pour se poser d'autres questions ;

Donc penser, dire, écouter, réfléchir, se poser des questions, parler, écrire, donner son idée, prêter attention à ce que les autres disent

Adeline Oudart

Ce débat est le deuxième de l'année. Nous avions fait un premier débat en novembre sur le thème de l'amitié. Durant ce premier débat, j'avais choisi de faire tous les rôles (animateur, président de séance, secrétaire, reformulateur), afin que les élèves, qui n'avaient jamais vécu de situation de débat, puissent commencer. Cette étape a permis de montrer aux élèves les différents rôles du débat.

Le thème du premier débat a été choisi suite à une situation de classe, où un élève, nouveau depuis le début de l'année, avait des difficultés à avoir des amis. Et durant deux récréations auxquelles j'ai assisté, j'ai pu constater que cet enfant était seul et pleurait. Il m'a expliqué ne pas avoir toujours des amis.

Le thème du deuxième débat a été choisi par la majorité de la classe parmi deux thèmes, que je leur avais proposés : "Pourquoi faut-il faire des efforts ?".

Présentation des différents rôles du débat et répartition

Dans un premier temps, j'ai présenté aux élèves

Animateur de séance : Mme OUDART

Président de séance : H

Secrétaire : G

Reformulateur : J

Deux observateurs du débat : R / T

Difficultés relatives de chaque fonction

Président de séance : il a correctement distribué la parole. Souvent, il donnait la parole à ceux qui ne la demandaient pas, alors que d'autres élèves la demandaient. Les élèves ne la demandant pas n'ont pas pour autant parlé.

Secrétaire : en CE2, les élèves n'ont pas l'habitude de prendre des notes. L'élève ne savait pas trop comment s'y prendre. Il a écrit le prénom de l'élève prenant la parole et ce qu'il disait. Parfois il n'avait pas le temps, devant finir d'écrire l'idée précédente.

Reformulateur : le reformulateur était un élève qui parle beaucoup. Lorsqu'il devait reformuler, il rajoutait des choses qui n'avaient pas été dites, voulant dire aussi ce qu'il pensait. Parfois, il n'arrivait pas à reformuler correctement l'idée.

Observateurs du débat : il est difficile pour certains élèves de ne rien dire. Il est également difficile d'observer ses camarades, surtout quand ce n'est pas une habitude. Malgré des critères donnés en début de séance, les observateurs n'ont pas eu grand-chose à dire sur le débat.

Rappel des règles du débat philosophique

Il est important de rappeler les règles fondamentales du débat philosophique, afin qu'il se déroule au mieux.

  • Règle 1 : on lève le doigt pour prendre la parole. Participe qui veut, quand il veut.
  • Règle 2 : on ne répète pas ce qui a déjà été dit.
  • Règle 3 : on ne se moque pas de ce que dit un camarade.
  • Règle 4 : ce qui se dit dans le débat, reste dans le débat.

Résumé de la discussion : "Pourquoi faut-il faire des efforts ?".

Pour aider des personnes, c'est bien, c'est gentil. Faire un travail, apprendre des choses. Faire des efforts : plus on fait des efforts, plus on arrivera à faire des choses, moins on fait moins on saura faire des choses. Il faut penser aux autres. Il faut faire des efforts envers les autres pour s'entraider, se respecter. Les gens qui nous aiment font des efforts, on doit en faire aussi pour les remercier.

On peut faire des efforts pour être ami avec les amis de nos amis.

On progresse quand on fait des efforts.

Pour faire plaisir aux autres.

Quand on n'aime pas quelqu'un et qu'une fille est seule, on va aller vers elle, lui dire des mots gentils.

Faire un effort envers un camarade qui n'a pas compris un exercice, en lui expliquant. On ne doit pas râler pour aider, même si on doit le faire plusieurs fois.

Faire l'effort de découvrir un jeu.

Faire l'effort de réconforter quelqu'un qui pleure, s'occuper de lui, lui demander ce qui lui arrive.

Faire l'effort de dire la vérité. Faire l'effort de ne pas dire ce qui est méchant à quelqu'un, si on trouve qu'il n'est pas beau, qu'il court mal.

Faire l'effort d'être gentil. On est gentil généralement. Sauf pour ceux qui sont méchants. Parfois on fait l'effort d'être gentil pour quelqu'un. Pour nos amis, nos parents, nos animaux, nos frères et nos soeurs, avec toute notre famille, avec tout le monde. C'est un devoir d'être gentil envers les autres. Faire l'effort envers quelqu'un qu'on n'aime pas forcément, mais qui lui nous aime bien.

Faire l'effort de faire quelque chose qu'on n'a pas toujours envie de faire.

Faire un effort n'est pas toujours obligatoire, car on a envie de le faire, d'aider les personnes qu'on aime.

Il faut respecter les personnes.

L'effort c'est la loi. On doit respecter la loi, on doit faire un effort pour respecter une loi.

Etre gentil avec les autres, même les étrangers.

Pour faire un effort envers quelqu'un, il faut demander à l'autre, car l'effort qu'on fait peut ne pas plaire à l'autre.

Faire des efforts en classe, même si cela ne nous plaît pas, pour avancer dans notre vie.

Quand quelqu'un parle, on fait l'effort de ne pas parler pour le respecter.

Si on a des invités, qu'on veut jouer à un jeu, et lui à un autre, on lui fait plaisir en jouant au jeu de l'autre.

Retenir ses émotions, exemple ne pas rire à ce que peut dire quelqu'un dans le débat mais qui nous faire rire.

Faire l'effort de goûter, de manger ce que quelqu'un a préparé, car il a passé du temps à préparer.

Faire l'effort d'aller à l'école quand on est malade car l'école c'est important, cela permet d'avancer.

Faire des efforts, c'est faire des bonnes choses et montrer qu'on peut faire des choses, montrer aux autres de quoi on est capable.

Dans la vie, il faut toujours faire l'effort de se relever de ses échecs pour continuer à avancer dans la vie.

On fait des efforts, même quand on a une mauvaise note.

Faire l'effort de rendre ce qui ne nous appartient pas, qu'on le trouve, l'emprunte ou le vole.

Faire l'effort de prendre conscience de son environnement, par exemple quand on part en vacances en montagne.

On fait l'effort d'écouter les autres, même si on n'est pas d'accord avec lui.

Faire l'effort d'éviter la violence, car elle n'a jamais rien réglé.

Faire l'effort de jeter à la poubelle même si on ne veut pas, pour ne pas polluer la terre.

Faire l'effort de dire des choses gentilles plutôt que d'être violent.

Faire l'effort pour respecter les règles, pour notre propre sécurité, exemple au ski écouter le moniteur plutôt que faire ce qu'on veut.

Faire l'effort de faire un choix entre plusieurs, certains aimant un choix, d'autres un autre.

Observation des observateurs

Certaines personnes lèvent beaucoup le doigt pour prendre la parole. : Natan, Arthur, Lola, Louis P, Thomas, Elise.

Quand quelqu'un disait quelque chose d'un peu stupide, beaucoup de gens riaient.

Observation des autres élèves

Beaucoup de propos pour faire des efforts, pour avoir des copains.

Certains n'ont pas levé le doigt, certains n'étaient pas intéressés.

Parfois des choses gentilles, parfois méchantes.

Parfois les réponses se ressemblaient, certains répétaient ce que les autres avaient dit, parfois eux-mêmes.

Certains discutaient entre eux plutôt que de participer aux débats.

Analyse du débat

Ce débat a été différent du premier, où les élèves avaient plus participé, je pense à cause du thème.

Les rôles répartis aux élèves ont bien fonctionné. Les élèves ont bien compris et respecté leur rôle.

Cette séance leur plaît. Ils demandent souvent à refaire un débat philosophique.

Je trouve que cette séance a été très répétitive de la part des élèves dans les réponses données (du coup je n'ai pas noté la répétition). Les élèves ont commencé leur phrase par "il faut faire l'effort de ..." et disent après toutes leurs idées sans forcément de lien avec le fait de faire un effort. Certains élèves répètent eux-mêmes ce qu'ils ont dit quelques minutes plus tôt.

Exemple : " il faut faire l'effort d'être gentil avec ses amis".

Les élèves participent presque tous. Certains sont moteurs du débat. D'autres au contraire, soit peu d'élèves, ne participent pas oralement au débat, mais écoutent ce que disent les autres.

Pour améliorer ce débat, je pourrais prendre un thème qui parle plus aux élèves. Peut-être que le professeur des écoles peut prévoir des questions ou des documents sur le thème pour la motivation des élèves, ainsi que pour apporter de la matière au débat, afin de donner des pistes de réflexion aux élèves.

Mais ce thème, avec d'autres élèves, donnerait un résultat différent.

J'ai prévu de faire d'autres débats philosophiques d'ici la fin de l'année et d'en faire également les années suivantes. Cela permet aux élèves de s'exprimer, de dire ce qu'ils pensent sur un sujet donné, et de voir, en tant que professeur des écoles, la vision de l'enfant, parfois différente de celle de l'adulte.

Le débat philosophique permet d'aborder des thèmes, qui vont faire écho chez les élèves à des situations qu'ils ont vécues, à ce qu'ils pensent. Et je trouve intéressant de faire cela en classe, de prendre le temps avec les élèves, de les laisser s'exprimer.

Amandine Lange

"Pourquoi des papas et des mamans meurent ?"

Le mardi 27 janvier au matin, ma classe de CE2 (19 élèves) a suivi sa première (vraie) séance de discussion à visée philosophique. Pourquoi la VRAIE ? Tout simplement parce que suite à un gros problème de fonctionnement interne, mes élèves ont été pris entre deux feux : celui de l'enseignante en charge de la classe (moi), qui a mis en place des métiers de classe dont celui de surveillant depuis le premier jour de classe ; et l'intervenant qui vient leur faire de l'anglais et qui est contre les métiers de classes et principalement ce métier de surveillant. Afin de désamorcer la situation très problématique rencontrée les élèves, lors des changements de classe des enseignantes, j'ai organisé un mini conseil de classe sous forme de débat. Les élèves ont ainsi découvert le fonctionnement (un animateur (l'enseignante), un président qui donne la parole et veille à la sécurité des débats (délégué de classe), un reformulateur (délégué de classe), un synthétiseur (qui intervient en milieu et en fin de séance pour une synthèses des débats), ainsi que la disposition particulière à avoir pour que chacun puisse observer le groupe (sachant qu'en temps habituel, les bureaux sont alignés en rangées, la classe ayant une forme rectangulaire en longueur).

J'ai donc entrepris ma première séance de DVDP. La phase de test qui s'était déroulée le mardi 2 décembre m'avait donné des indications sur la manière de procéder avec des élèves très bavards ayant envie d'échanger librement, mais ne sachant pas prendre la parole d'une manière organisée : débat en classe entière en disposant les tables en carré.

Faire ranger le bureau.

Seuls le président, le reformulateur et le synthétiseur ont du matériel d'écriture. Ces rôles ont été confiés aux plus bavards de la classe afin de donner la parole aux enfants plus introvertis .

Prise de parole se faisant en levant la main et en attendant l'autorisation de parler.

Nécessité d'une syntaxe adaptée pour reformuler les questions.

Nous avons déplacé les tables afin de créer un carré fermé. Sur un des côtés se trouve la maîtresse et les membres de la présidence.

Pourquoi un débat sur la perte d'un parent ?

Située en milieu rural, mon école accueille des enfants issus d'une population aux catégories socioprofessionnelles très variées et aux situations familiales très hétérogènes (de la mère célibataire au foyer où cohabitent plusieurs générations...). Située en zone difficile (si on peut dire une ZEP rurale même si le terme n'existe pas... encore), les enfants se côtoient énormément en dehors de l'école et sont amenés à vivre des situations très difficiles.

Le point de départ fut mon absence en classe et le visionnage du film L'avion lors de cette absence. Film difficile qui évoque la mort du père de famille.

Ce film a poussé les enfants à se confier en classe lors de la phase d'analyse après visionnage (Qu'as-tu pensé du film, quel est ton moment préféré ?)

Certains élèves ont évoqué leurs propres situations : sur 19 élèves, 8 élèves ne voient pas régulièrement l'un de leurs parents et 3 ont perdu l'un des parents (accident, maladie...).

Le film a ravivé des émotions difficiles pour ces élèves encore jeunes (de 7 à 11 ans) dans la classe et a suscité des interrogations.

Élément inducteur

Afin d'aborder ces questions, j'ai commencé par poser la question : c'est quoi la mort, et me suis appuyé sur le travail d'explication d'une association ayant une antenne locale forte ici : Naître et grandir.

http://naitreetgrandir.com/fr/etape/3-5-ans/vie-famille/fiche.aspx?doc=ik-naitre-grandir-comment-parler-aider-enfant-comprendre-mort

Afin de faciliter le débat, l'exploitation de ces articles m'ont permis notamment des reformulations plus à propos :

"Évitez d'utiliser des expressions comme "s'endormir", "partir" ou "s'en aller" pour expliquer la mort. Si vous dites à votre enfant que grand-papa s'est "endormi", votre tout-petit risque d'avoir peur d'aller au lit, de crainte de mourir lui aussi. Même chose si vous lui dites que grand-papa "est parti" pour un long voyage. Votre enfant attendra son retour ou sera anxieux quand un être cher partira en voyage.

De même, ne dites pas seulement à votre enfant que sa grand-mère est morte parce qu'elle était très malade, car il pourrait croire qu'elle avait un simple rhume. Il pourrait alors craindre de mourir lui aussi s'il tombe malade ou que ça vous arrive. Dites-lui plutôt la vérité en employant des mots simples" (extraits du site).

Question de départ : pourquoi un papa ou une maman meurt jeune ?

Déroulement

Lancement de la question : c'est quoi la mort ?

Lancement d'une question autre, dans le film L'avion : quel est le passage que tu as trouvé le plus triste ?

Le débat démarre réellement. Il est animé et présidé par E (7 ans, un an d'avance mais très dynamique et bavard, il est désigné tous les ans depuis le CP délégué de classe). Il note les demandes de participation au débat des autres, sollicite Y (8 ans - déléguée suppléante qui est reformulatrice) ou P (synthétiseur).

Les plus bavards étant à la présidence, la prise de parole des autres est difficile voire nulle. Il y a des hésitations (agitations sur le siège...), mais pas d'intervention. Je sollicite le président afin qu'il ouvre le débat autour du film.

E pose la question suivante à Y : quel est le passage que tu as trouvé le plus triste ? Après avoir interrogé Y, E répond à cette même question. En suivant ou par mimétisme du président, les élèves en s'appuyant sur ce support, évoquent spontanément la mort du papa.

S'ensuivent des interventions libres sous le contrôle de la présidence qui distribue la parole des enfants ayant perdu un animal (L et E - leur chien), un proche (M - son grand-père cet été). Les enfants ayant perdu un parent observent, écoutent mais ne parlent pas.

M (8 ans) dit qu'il ne voudrait pas perdre son papa ou sa maman.

Au bout d'un moment, les élèves concernés prennent la parole pour évoquer ce qu'ils ressentent, ce qui leur manque. Certains expliquent que leur maman était malade et n'avait pas assez de force pour lutter contre la maladie.

Les réponses autour du cycle de vie apparaissent. Ils évoquent le roi Lion de Disney, Némo... des exemples qui n'inquiètent pas (comme les arbres, les papillons, les oiseaux et les poissons), en expliquant qu'ils ont tous une durée de vie qui leur est propre.

La maladie est longuement évoquée : parfois, les êtres vivants tombent si gravement malades ou souffrent tellement qu'ils ne peuvent pas rester en vie. Cependant, souvent les personnes et les animaux peuvent guérir de leur maladie et vivre très vieux.

Sans parvenir à une réponse, nous mettons fin au débat riche en émotions. Au total, le débat aura duré près de 30 minutes.

Conclusion

Cette tentative n'était que la première, il m'est apparu que le sujet touchait les enfants pour certains très fortement, et le débat en a été très difficile voire douloureux pour certains.

Mettre les plus bavards en présidence peut poser problème lorsqu'il y a des temps creux du débat.

Les élèves les plus introvertis ont pu émettre un avis et l'argumenter.

Et malgré tout, pour la majorité, ils ont l'air d'apprécier ce moment...

Ouverture

Le visionnage du Roi Lion a été envisagé en temps classe. Hier nous avons visionné au cinéma municipal L'histoire sans fin qui pose aussi la question de la perte d'une maman. Les enfants qui ont peu participé au débat, m'ont beaucoup sollicité lors du retour vers l'école sur cette question. Enfin, en milieu rural, tout le monde se connaît. Certains parents (et enfants) sont venus discuter avec moi du thème de ce débat pour savoir comment j'avais parlé de la mort d'un proche à mes propres enfants. J'avais envisagé de faire écouter la chanson de Calogéro "le portrait" aux élèves mais à l'heure actuelle, je ne sais plus. https://www.youtube.com/watch?v=eyEDej0aGh8

Bilan

Autant la version d'essai m'avait semblé facile et à la portée de la classe ; autant le sujet du débat présenté me semblait nécessaire et opportun ; j'ai senti les élèves sur la réserve et défensive au départ, dans l'attente de la peur d'un jugement de la part des autres.

L'utilisation du support vidéo a été un très bon appui.

J'envisage d'en refaire un sur la thématique de la vie imaginaire et la vie réelle, en lien avec l'histoire sans fin.