Laïcité à l'école : la messe et le débat

Le secteur Philosophie du GFEN a organisé un stage de formation les 26, 27 et 28 août 2015 à la Ligue de l'enseignement, dont la problématique philosophique est d'actualité. On trouvera ci-dessous l'argumentaire.

Le rappel à la loi ne suffira pas : après Charlie, sous l'ambition proclamée de réaffirmer l'autorité du principe de laïcité dans de solennelles messes républicaines, se joue en réalité un profond travail d'interrogation et de réécriture ; ce qui se cherche sous le mot "laïcité" est bien plus que la "séparation des Eglises et de l'Etat" : c'est le rapport des multiples croyances au savoir et par conséquent la concurrence de ce qui fait autorité. C'est aussi la nécessité de penser le collectif pluriel, ses frontières extérieures et intérieures, dans un contexte idéologique mondialisé. Et comment réinvestir l'articulation des sphères privées et publiques sans polémiquer sur la nature et les (dé)missions de l'Etat contemporain : faut-il choisir entre politique commune de la culture et coexistence tolérante des pluralités ?

Liberté de conscience : une évidence ou une pratique ? Ce droit de lire et de penser sans contrainte, comme fondement des "séparations" que la puissance publique et les particuliers doivent réciproquement observer, entre eux et au sein de chacun d'eux, n'est-elle pas aussiune culture particulière qu'il revient à l'école d'inscrire ? N'en va-t-il pas ici du rapport des croyances au savoir : l'école lutte-t-elle vraiment contre l'esprit de dogme ? Que peut bien vouloir dire alors l'injonction de neutralité ?

Peut-on transmettre des valeurs sans les interroger ? Sans interroger la notion même de laïcité, ses sources et ses fondements, sa valeur et ses fonctions, les différentes conceptions que l'on en trouve de par le monde et dans l'histoire. Autrement dit, l'école peut-elle faire face aux interrogations contemporaines par les seuls Enseignement Moral et Civique et Enseignement Laïque des Religions ? Que disons-nous donc de notre avenir, et comment, à l'école ?

Le lien qui mène de la liberté de conscience à la liberté d'expression interroge l'ostentation ; entre ce qui se pense et ce qui se dit et se fait, quelles sont les frontières psychiques, quelles franchises et dissimulations, quelle part privée et publique en chacun à l'école ? Que faire de ces croyances qui se donnent volontiers à voir et à entendre, comme des plus secrètes ? Les refouler, les tolérer, les convoquer, les interroger ? Quelle exposition à l'autre et au risque de savoir ?

Si le danger est bien le dogmatisme, la rencontre et la confrontation dans la recherche n'en sont-ils pas l'antidote ? Une authentique politique de mixité à l'école : un espace où toutes les croyances, ostensibles ou prosélytes, s'exposent à l'altérité et à la rationalité, un espace qui, tout en saisissant les investissements psychiques et sociaux des attachements singuliers, les amène au débat, et à l'argumentation rigoureuse qu'il implique ?

Mais le débat lui-même y suffira-t-il ? Si les croyances et convictions sont le fondement d'une identité, et ont de puissants ressorts psychiques, quelle prise peut avoir sur elles le seul débat rationnel ? Quelle puissance de la raison face aux passions ? Comment, non pas dissoudre, mais mettre du jeu dans les identités, travailler les processus d'identification et de reconnaissance, y compris les nôtres, par une culture commune de la rencontre et de la recherche ?

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