Exemple de mise en oeuvre d'une Discussion à Visée Démocratique et Philosophique (DVDP) en CM1

I) Contexte

Pour témoigner de mon expérience en tant que débutante en DVDP, il me semble utile de donner quelques indications sur le contexte dans lequel ces débuts ont eu lieu. J'étais doublement débutante : dans la découverte du dispositif et dans son animation.

J'étais alors étudiante en 2ème année d'un Master préparant à la fois aux Métiers de l'Education, de l'Enseignement et de la Formation (MEEF) et au Concours de Recrutement de Professeurs des Ecoles (CRPE). Le programme de ce Master comprenait une unité d'enseignement intitulée "Apprendre à penser et à débattre à l'école" (Responsable Michel Tozzi).

Dans le cadre de cette formation, j'étais responsable d'une classe un jour par semaine. J'ai été encouragée à mettre en pratique le dispositif auquel j'étais formée. Concernant la classe, il s'agissait d'un groupe de 29 élèves en CM1. Ils n'avaient jamais expérimenté ce type d'échanges et n'avaient pas davantage l'habitude de se parler en classe dans le cadre d'apprentissage. En outre, la pièce n'offrait qu'un espace long et étroit de trois rangées de tables de deux. Un espace difficilement modifiable pour que chacun puisse se voir lors de la discussion ; le cercle étant par ailleurs la disposition conseillée, et aucune autre pièce de l'établissement ne nous permettant de mieux nous installer. Enfin, il m'était impossible de ne prendre qu'un petit groupe d'élèves pour procéder à notre premier essai.

II) Préparation

Enthousiaste, je n'ai malgré tout pas tardé à présenter le dispositif aux élèves : aucun discours introductif construit, seulement l'invitation à participer à un échange réglé autour d'une question de nature philosophique qu'ils auraient choisie. Comme je ne les voyais qu'un jour par semaine, j'avais pensé que s'ils étaient partants, nous pourrions distribuer les rôles par avance et qu'ils pourraient préparer leurs questions pour la semaine suivante.

Si les élèves ont majoritairement adhéré à la proposition, une question exprimant de la retenue m'a néanmoins été posée. Comme j'avais expliqué qu'une discussion à visée philosophique n'avait pas pour objectif d'aboutir à une réponse unilatérale et définitive, un élève s'était montré dubitatif sur l'utilité d'une tellle démarche : "M ais à quoi ça sert alors ?". Si je savais que l'efficacité de la philosophie pouvait faire l'objet d'interrogations, je n'avais néanmoins pas prévu de débattre sur le sujet ce jour-là. Je ne sais plus comment j'ai répondu, mais je ne suis pas sûre d'avoir ramené un doute positif dans l'esprit de cet élève.

Pour la distribution des rôles, de nombreux élèves se portant volontaires, nous avons impliqué des "participants muets" (ils pourraient prendre des notes et auraient la possibilité de s'exprimer sur la discussion en fin d'échange). Pour chaque rôle, nous avons tiré au sort parmi les volontaires. Le rôle le plus prisé a été celui de Président de séance.

C'est ainsi que nous avons désigné :

  • Une animatrice (moi)
  • Un Président de séance
  • Un Reformulateur
  • Un Synthétiseur
  • Quatre Observateurs (un pour chaque représentant du pouvoir)
  • Treize discutants
  • Sept participants muets
  • Deux élèves sans rôle (ils n'ont pas souhaité en avoir).

Pour la semaine suivante, les élèves avaient donc la tâche de préparer des questions. De mon côté, je me suis donnée celle de renforcer l'encadrement du dispositif. C'est l'élève tiré au sort pour être observateur du reformulateur qui m'y a amenée. En effet, cet enfant éprouvait diverses difficultés par rapport aux savoirs scolaires (notamment pour écrire) et j'avais tenu à lui éviter de passer un mauvais moment dans la réalisation de sa tâche, surtout face à l'enthousiasme qu'il avait manifesté. En réalisant un outil pour lui, j'ai finalement opté pour créer un outil à chacun. Dans mon, idée, les élèves adhéreraient mieux à l'exercice en ayant une tâche bien définie, dont la réalisation serait facilitée1 :

  • pour chaque rôle de pouvoir et d'observation : un cahier des charges ;
  • pour chaque élève observateur : une grille d'observations ;
  • pour chaque participant muet : une feuille blanche à utiliser librement ;
  • pour moi : une fiche bilan à compléter dès la distribution des rôles.

III) Notes sur le déroulement de la DVDP

La semaine suivante, peu de questions avaient été préparées : cinq environ, dont trois proposées par la même personne et se prêtant mal, selon moi à ce moment-là, à une discussion à visée philosophique. Je ne me souviens plus des termes exacts, mais d'après mes souvenirs et mon interprétation, elles portaient sur les animaux et s'apparentaient davantage à de la biologie. Je pense donc les avoir écartées du vote. Sur les deux qui restaient : "Qu'y a-t-il après la vie ?" a été votée par une large majorité d'élèves.

Au final :

  • Quatre participants sur treize ont pris la parole pendant la discussion,
  • Chaque représentant du pouvoir a joué son rôle,
  • L'élève observateur de l'animatrice n'a pas rempli son tableau et n'a pas eu de comptes à rendre au terme de la DVDP, tandis que les trois autres observateurs ont utilisé leurs outils et ont rempli leurs fonctions,
  • Chaque participant muet a eu l'opportunité de s'exprimer ; plusieurs ont eu des remarques à faire.

IV) Remarques qui interrogent et pistes de réflexion

Suite à la présentation que j'ai faite de la DVDP, un élève a fait remarquer que la philosophie ne servait à rien, puisqu'elle ne permettait pas de répondre concrètement aux questions qu'on lui pose. En outre, peu d'élèves ont proposé des questions.

La part que j'ai accordée à présenter la philosophie était probablement trop mince. Mon objectif était alors de lancer la préparation d'une DVDP, j'ai bâclé l'introduction à l'acte de philosopher. Peut-être que la lecture de quelques fables philosophiques aurait mieux préparé les élèves à entrer dans ce type de réflexion.

Sur quatre participants effectifs en termes de prise de parole, trois ont présenté des réflexions tranchées et divergentes sur la question de la vie après la mort. Une autre a exprimé son accord avec l'une de ces réflexions. En tant qu'animatrice, j'ai éprouvé des difficultés à faire se rencontrer ces positions de façon à élever le débat. Si j'y suis parvenue, cela ne m'a semblé que très superficiel.

J'ai éprouvé des difficultés à remplir mon rôle. Comment l'animateur peut-il intervenir afin que la communication soit constructive ? De même que j'avais prévu de différer la distribution des rôles du jour où l'échange aurait lieu, de même j'aurais pu différer le choix de la question du jour de la DVDP. Cela m'aurait permis de préparer le sujet par des questions satellites, des termes importants à définir autour du sujet.

Sept élèves participants volontaires sur treize n'ont finalement pas pris la parole. Sur le moment, cela m'est apparu comme un échec.

Différer le temps du choix de la question d'avec le temps de son traitement aurait peut-être aussi permis aux élèves de rassembler quelques réflexions sur le sujet et donc, peut-être, de participer davantage. Cela dit, je dois me rappeler que les élèves de cette classe n'avaient pas l'habitude de ce type d'échange. Plus spécifiquement, ils n'avaient pas l'habitude d'être acteurs de leurs propres apprentissages et ainsi de (se) parler en classe. En outre, je n'avais pas installé la classe de manière à ce que chacun puisse se voir. C'est toute une pédagogie qui doit encadrer la mise en oeuvre d'une DVDP afin de permettre d'en remplir les objectifs.

En bref, malgré le fait que les élèves aient trouvé la discussion intéressante (d'après leurs dires) et aient joué leur rôle (pour la plupart), je suis restée sur un sentiment de déception.

Avec du recul, comme nous débutions, j'aurais probablement mieux fait de nous fixer des objectifs progressifs. Le fait que chacun trouve une place, joue un rôle et tâche de respecter le dispositif représente déjà une forme de réussite. La DVDP m'apparaît aujourd'hui comme un apprentissage à long terme, il est peut-être trop ambitieux de s'attendre à vivre un moment philosophique intense dès les premiers tatônnements !

Concernant la disposition des lieux, j'ai certainement manqué d'audace. Comme je m'étais persuadée d'être en incapacité totale de disposer les élèves en cercle, j'ai laissé la classe dans sa disposition magistrale classique : le banc des représentants du pouvoir faisait face aux autres participants. Aujourd'hui, il me semble que modifier la disposition des tables aurait certes été pénible, mais pas impossible.

Ensuite, nous étions trop nombreux. Lors de ma formation, les discussions s'étaient organisées avec moins de dix participants, représentants du pouvoir et observateurs inclus. En classe, nous étions trente, dont treize discutants. C'est sans doute un élément de la mise en oeuvre du dispositif à ne pas reproduire.

Enfin, s'il s'agit de développer et d'approfondir cette pratique en classe, il serait peut-être judicieux d'enregistrer chaque session pour se donner les moyens d'en faire de meilleures analyses.

Annexe : documents cités et commentaires

Document (format PDF) : Documents à l'usage de l'enseignant

Document (format PDF) : Documents à l'usage des élèves (5 pages)