Notions et évaluation en philosophie dans l'enseignement agricole

Une fois précisées les particularités institutionnelles et pédagogiques de l'enseignement de la philosophie dans les établissements qui relèvent du ministère de l'agriculture et de la pêche1, le dispositif d'évaluation propre à l'enseignement agricole apparaît comme l'une des particularités fortes d'un enseignement dont l'originalité affecte nécessairement la présentation de la philosophie en classe, ses objectifs, et les critères qui permettent de juger des prestations des élèves2.

Un programme de notions et des questions

Hérité du toilettage des programmes intervenu en 20023, le référentiel4 de philosophie du baccalauréat technologique de la série agricole en vigueur depuis 20065 accuse les traits de son époque : il montre une hésitation manifeste entre détermination des enseignements et liberté pédagogique des enseignants. Depuis les propositions faites en 1989 par la commission Derrida-Bouveresse en faveur d'un programme de questions jusqu'aux programmes actuels des classes de l'éducation nationale, une même tension se retrouve dans les programmes de philosophie des classes des lycées. Le référentiel de la série agricole du baccalauréat technologique montre à son tour une tentative pour concilier deux exigences qui semblent inconciliables : une liste de notions présentées en couples ou en séries et regroupées en quatre divisions qui renvoient elles-mêmes, sans les nommer, à d'autres notions aisément repérables (vérité, politique, morale et culture) se trouve précisée, dans une rubrique intitulée "les contenus", par une série de "problématiques et de thèmes indicatifs" assortie d'une liste d'auteurs présentée elle aussi comme indicative. Plutôt que caractérisé par une hésitation entre deux pôles, d'une part le renvoi à la responsabilité de l'enseignant auquel il appartient "de construire son enseignement en séquences organisées" et "de choisir l'ordre suivant lequel il aborde les différentes notions", d'autre part le souci de baliser un travail scolaire dont on ne peut ignorer qu'il débouche sur un examen, le programme semble à première vue orienté vers une détermination et même une surdétermination de l'enseignement.

Cependant, et à y regarder de plus près, il n'est pas l'antithèse des projets qui voulaient confier à la souveraine liberté philosophique et pédagogique de chaque enseignant le choix des problèmes et leur formulation. Ce n'est pas pour autant qu'il réduit l'ambiguïté dont on sait qu'elle traverse les programmes de philosophie depuis 1992-1993 jusqu'à aujourd'hui6 : certes, des questions7 sont proposées, mais qui ne sont pas contractuelles, la note de service qui définit l'évaluation ne garantissant nullement que les candidats seront interrogés en fin de formation sur l'une ou l'autre de ces questions ; certes des auteurs sont associés à ces questions, mais sans garantie qu'ils soient les auteurs des textes sur lesquels on interrogera ; certes les notions du programme sont présentées par couple ou par triplet, jamais isolées, en sorte que le champ d'étude auquel elles renvoient se trouve circonscrit, mais sans qu'aucune assurance ne soit donnée aux élèves, ou aux enseignants, que les termes du couple "Différences et inégalité", par exemple, figureront dans un sujet sur l'égalité. Il est probable que la crainte du bachotage dissuade de toute reprise littérale des questions données à titre indicatif, que les difficultés de langue, notamment, éloignent des auteurs les plus classiques cités dans les orientations bibliographiques ; enfin que les contraintes circonstancielles inhérentes à la conception des sujets ne permettent pas toujours de choisir des textes et des questions articulant explicitement les notions organisées par deux ou par trois dans le référentiel. Au demeurant, il faut et il suffit qu'un sujet renvoie à l'une des notions présentes dans les couples et les séries puisque l'enseignant, dit le texte réglementaire, doit faire "un travail sur chaque notion".

...mais pas un programme de questions

On le voit, le programme est bien un programme de notions, les problématiques et les thèmes indiqués n'ayant pas de statut obligatoire et les notions associées, dont le programme dispose qu'elles doivent être examinées chacune sans exclure qu'elles le soient l'une à part l'autre, se révélant de fait dissociées quand on en juge à l'aune de l'examen et de ses pratiques en matière de choix des textes et des questions. "Science, technique et morale" forment une série de notions dont l'élucidation, l'articulation et la problématisation relèvent réglementairement de la liberté pédagogique de l'enseignant sans que les deux questions et le thème indiqués ("La technique peut-elle ignorer la morale ?", "La science est-elle idéologiquement neutre ?" et "Les moyens et les fins") ne constituent une détermination contraignante de l'enseignement à dispenser.

Deux niveaux de détermination apparaissent cependant bien dans ce programme : le premier, lié à la présentation des notions en couple ou en série, le second, présent dans l'orientation de l'enseignement suggéré par des questions indicatives. Toutefois, le lien organique entre les notions appartient à l'enseignant qui doit aborder "les différentes notions" et faire un travail "sur chaque notion" à travers des "séquences organisées". Les contraintes s'avèrent moins réelles qu'il n'y paraît d'abord, avec pour contrepartie la difficulté de préparer les élèves à l'épreuve finale par l'acquisition de connaissances suffisantes permettant de lire un texte et d'envisager une question sans céder, au mieux, aux "bien-entendus" culturels dominants, au pire, aux représentations spontanées. En référence aux notions "Science, technique et morale" un sujet sur le progrès technique posé à la suite d'un texte de Marcuse sur la domination de l'homme par l'homme dans la civilisation industrielle8 montre, parmi d'autres exemples possibles, que la surdétermination actuelle du programme détermine peu les sujets de l'épreuve nationale du baccalauréat : ni le thème, ni les deux questions indiquées dans le programme, pas plus que les auteurs qui leur sont associés, n'entretiennent un rapport direct, littéral et explicite, avec la partie du programme évaluée. La "technique" n'est ici présente que comme adjectif, n'est pas associée à la "science" et c'est la politique qui est rencontrée plutôt que la "morale". La difficulté de concevoir des sujets d'examen variés sur un programme bien déterminé pourrait avoir principalement pour effet de rendre d'une main à l'enseignant la liberté professionnelle, indistinctement philosophique et pédagogique, qui lui semblait enlevée de l'autre. Un regard sur les sessions d'examen depuis 2002 confirme que les couples et séries de notions définissent de fait un programme de notions sur lesquelles les candidats peuvent être interrogés sans qu'elles soient obligatoirement associées.

Ni les liens établis par la présentation de notions qui se déterminent mutuellement par deux ou par trois, ni l'indication de thèmes et problématiques explicites, ni la citation de noms d'auteurs en regard des différents points du programme ne définissent un programme obligatoire de questions en quelque sens qu'on entende le terme, comme interrogation qui attend une réponse, comme thème qui interroge ou encore comme problème à résoudre.

On pourra se réjouir que ni les sujets d'examen, ni l'enseignement dispensé ne soient d'emblée voués à être convenus et répétitifs ; on pourra regretter que le programme ne donne pas une définition plus contraignante des deux sujets proposés au choix des candidats en fin de formation9. Dans les deux cas, on ne pourra que constater la présence de questions dans le programme, et non de questions au programme.

Une liberté de détermination : le CCF (Contrôle en Cours de Formation)

On l'a vu, à partir de l'ensemble du texte réglementaire comme à partir de sa confrontation à l'examen terminal, le programme de notions et de questions de la série agricole du baccalauréat technologique n'apporte pas de solution originale à la difficile articulation de la liberté pédagogique de l'enseignant et de la nécessaire détermination d'un programme donnant lieu à évaluation.

Toutefois, l'ensemble du dispositif d'évaluation de la philosophie - comme de toute discipline du baccalauréat technologique de la série agricole (STAV) - repose, non seulement sur une épreuve d'examen traditionnelle, mais sur un Contrôle en Cours de Formation (CCF), dont la maîtrise revient à l'enseignant de la classe10. Déterminé, ce contrôle l'est en ce qu'il s'inscrit dans un dispositif national commun à toutes les classes ; libre, ce contrôle l'est aussi en ce que sa conception et sa correction engagent la seule responsabilité de l'enseignant. Il se présente en cela comme un défi à l'alternative rationaliste dont parle Merleau-Ponty : "ou l'acte libre est possible, ou il ne l'est pas, ou l'événement vient de moi, ou il est imposé par le dehors"11.

L'examen de ce qui est imposé par le dehors, par le programme, par l'institution, fait apparaître trois contraintes. La première s'exerce sur la question à instruire, question entendue comme interrogation, comme "réflexion critique sur les enjeux liés au vivant et aux ressources naturelles" ; la deuxième impose d'"appréhender la question éthique, [et de] se positionner en tant que citoyen", le terme question renvoyant ici à un thème qui interroge en exigeant pour réponse une prise de position citoyenne ; enfin, la troisième porte sur les modalités en obligeant à "mobiliser les notions acquises dans le cadre" du programme de notions et "les travaux pluridisciplinaires auxquels contribue la philosophie". La détermination n'est pas ici d'apparence : parler de "réflexion critique" définit bien une philosophie officielle de l'enseignement de la philosophie, réduire le champ d'étude au "vivant" et aux "ressources naturelles" focalise non sur le tout mais sur une partie du monde, et le positionnement citoyen attendu sur l'éthique signale une intention précise, politique et morale ; enfin, la mobilisation des travaux pluridisciplinaires renvoie à un référentiel qui est distinct du programme de notions jusqu'ici examiné et qui figure dans la matière intitulée : "Gestion du vivant et des ressources"12, matière dans laquelle la philosophie intervient aux côtés de la biologie et de l'agronomie.

Dans ces conditions, comment l'enseignant peut-il encore se dire : "l'événement vient de moi" ? Liberté et détermination sont classiquement inconciliables. Pour partagée qu'elle soit avec les enseignants de sciences et de techniques, l'unité du cours n'en demeure pas moins librement arrêtée. Des heures de concertation sont accordées qui visent à l'exercice d'une liberté comprise comme liberté d'équipe. L'élaboration d'un projet pédagogique concerté est bien nécessaire et son inscription dans un référentiel de diplôme est certes déterminée, mais, de façon essentielle, sa conception et sa réalisation sont du ressort des seuls enseignants concernés tandis que, de façon tout aussi essentielle, les modalités de son évaluation à travers les prestations des élèves reviennent au seul enseignant de philosophie. Ce dernier point est garant du caractère philosophique d'un travail qui, pour être pluridisciplinaire, n'est pas éclaté entre philosophie, sciences et techniques. Parce qu'elle est fondamentalement philosophique, l'évaluation garantit la nature philosophique de l'enseignement. "Dis-moi comment tu évalues, je te dirai comment tu enseignes". Parce qu'elle part d'un texte ancré dans la tradition philosophique, l'évaluation atteste d'une pratique pédagogique qui ne sacrifie ni à la mode, ni à l'histoire des idées, ni non plus à des préoccupations politiques ou sociales conjoncturelles. Il revient à la philosophie, c'est-à-dire à l'enseignant qui a la charge de son enseignement, de ne pas être l'instrument servile de finalités tendancieuses parce qu'extérieures à la philosophie elle-même. Le fondement de cette souveraineté réside dans l'absence de standardisation du mode d'évaluation. Sa contrepartie est la nécessaire invention à laquelle doit satisfaire l'enseignant. Or la nécessité n'est pas ici (comme ailleurs, les professeurs de philosophie le savent bien) le contraire de la liberté.

Reste la question des contraintes. Comprises comme règles d'un jeu, directives et orientations apparaissent comme des contraintes qui libèrent. Outre que pour une même classe l'interrogation peut être aussi bien orale qu'écrite, fondée sur un texte que sur un dossier proposé par l'enseignant ou constitué par l'élève, c'est du sujet lui-même que décide l'enseignant-correcteur et, de façon organiquement liée au sujet, de la problématique posée et développée tant pendant le cours que tout au long des activités mises en place, notamment pluridisciplinaires. C'est la standardisation de l'évaluation qui détermine la façon d'enseigner avec le risque d'un cours unique, de même que la façon d'étudier avec le risque de la récitation ; l'invention à laquelle est tenu l'enseignant garantit une variété de sujets, de supports et de questions, virtuellement infinis sans que leur caractère philosophique ne soit menacé de l'extérieur, du dehors. En déterminant son sujet, chaque enseignant détermine son enseignement. Ainsi conçu, le Contrôle en Cours de Formation (CCF) place l'enseignant de philosophie en situation d'autodétermination.

Défense et illustration du CCF

C'est cette liberté, philosophique tout autant que pédagogique, qui, accordée depuis la conception du projet de formation jusqu'à l'évaluation, permet à l'enseignant de s'émanciper de cette philosophie officielle que déterminent les objectifs du contrôle en centrant les travaux sur le vivant et les ressources naturelles à travers la question éthique et un positionnement citoyen. On peut certes imaginer la dérive d'un enseignement prétendument philosophique qui serait instruction civique, promotion du citoyen et oubli de l'homme. On peut certes craindre un enseignement moralisateur qui, sous couvert d'éthique, apprendrait à se conduire en bon gestionnaire du vivant, serait inculcation de valeurs consensuelles, mise en garde à l'égard des techniques et proposition à chacun d'une "action visant à assurer de façon durable son alimentation, sa santé, sa sécurité, son épanouissement par l'organisation de son cadre de vie", expression qui figure littéralement dans l'exposé des motifs. Pareilles pratiques ne seraient pas le résultat de contraintes réglementaires, mais faiblesse de l'enseignement philosophique dispensé, c'est-à-dire abdication d'un enseignant qui a toute liberté institutionnelle pour questionner les questions, en montrer les présupposés et les dénoncer comme réponses masquées ou même leur substituer d'autres problèmes dès lors qu'est interrogée, dans une perspective morale et politique, "l'action de l'homme sur ce qui vit et sur ce qui concourt à la vie"13. Tel est, au fond, le point de passage obligé pour des enseignants qui demeurent libres de leur problématique. A travers une redéfinition de l'évaluation, c'est une redéfinition de l'enseignement qui est possible, son ouverture sur des questions vives qui évite la fermeture sur elles-mêmes des questions philosophiques les plus traditionnelles.

Alors que le troisième sujet proposé aux candidats des séries technologiques de l'éducation nationale a évolué, depuis la session 2007, vers un accompagnement de l'élève dans sa lecture du texte, le CCF donne toute latitude à l'enseignant des séries agricoles pour concevoir, à son initiative propre, un questionnaire qui soit un questionnement philosophique. Abouti ou non, sans doute critiquable, mais tout aussi représentatif que d'autres pourraient l'être de l'une des multiples manières de faire, le sujet suivant illustre la liberté d'invention dont se saisit une enseignante pour évaluer ses propres élèves à travers une épreuve qui fait partie des épreuves d'examen.

Soit les deux textes suivants :

Texte 1 -Descartes, Discours de la méthode, Sixième partie, 1637, de : "Il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie [...]" à "[...] je crois que c'est dans la médecine qu'on doit le chercher."

Texte 2 - Pierre-André Taguieff, La bioéthique ou le juste milieu, Paris, Fayard, 2007, p. 12, de : "Le surgissement de la bioéthique va de pair avec l'ébranlement de la croyance que le "progrès scientifique et technique" engendre nécessairement une amélioration de la condition humaine. [...]" à "[...] La question est non seulement de définir la "nature humaine" qu'on présuppose mais la "nature" dont l'homme croit pouvoir librement disposer."

Questions :

1 : Capacité à repérer une notion philosophique traditionnelle au sein d'un texte contemporain.

Dans le texte 2, P.-A. Taguieff évoque "l'humanisme progressiste", en une référence implicite à Descartes.

Recherchez dans le texte 1 une expression qui vous paraît illustrer l'idée que se fait Descartes du progrès. [3 points]

2 : Capacité à situer des activités scientifiques et techniques au sein de la diversité des disciplines et des domaines des savoirs et des pratiques humaines.

Descartes prétend que sa méthode permettra à l'humanité de faire des progrès scientifiques et techniques.

Dans quels domaines ces progrès lui semblent-ils promis ? Répondez en vous appuyant sur le texte. [3 points]

3 : Capacité à mettre en perspective deux points de vue philosophiques différents sur une même question et perception de l'évolution des idées philosophiques.

A la lecture du texte 2, trouve-t-on dans l'analyse de P.-A. Taguieff une confirmation, au XXIe siècle, de l'optimisme de Descartes au XVIIe siècle ?

Justifiez votre réponse en vous référant aux textes 1 et 2. [4 points]

4 : Capacité à dégager l'enjeu d'un débat philosophique à la lumière de ses connaissances personnelles en biologie et en agronomie.

Dans le texte 2, P.-A. Taguieff affirme "la fragilité et la vulnérabilité de ce qui est humain et de ce qui relève du vivant en général".

Illustrez cette affirmation à partir d'au moins deux exemples empruntés à votre connaissance de la biologie et de l'agronomie d'aujourd'hui. [4 points]

5 : Capacité à prendre une position philosophiquement argumentée sur une question socialement vive.

Partagez-vous avec P. -A. Taguieff "le sentiment que la position de limites est d'une extrême urgence"? Faut-il, selon vous, réglementer la recherche scientifique ?

Développez votre point de vue en une argumentation de 25 à 30 lignes. [6 points]

"Dis-moi ce que tu évalues... ; dis-moi comment tu évalues..." - et, en effet, l'évaluation renvoie manifestement ici à un enseignement de la philosophie comme débat entre les philosophes, mise en miroir des thèses, des textes et des doctrines, orientation dans la pensée, dans la pensée des autres et invitation à s'y situer soi-même d'une façon à la fois aussi critique et informée que possible.

D'autres présentations de la philosophie, d'autres pédagogies, d'autres didactiques sont perceptibles à travers d'autres sujets de CCF, même à ne considérer que les seuls critères d'évaluation dès lors qu'ils sont explicites.

Portant non pas sur un texte canonique, mais sur un article du médecin et député Jean-François Mattéi14, un autre sujet invite les élèves à relever un constat (le pouvoir des techno-sciences), puis à repérer le problème posé par le fait constaté (les progrès de la connaissance interrogent dès lors qu'ils n'ont pas pour corollaire les progrès de la sagesse), puis à dégager le concept invoqué pour résoudre le problème (l'éthique de conviction), puis les insuffisances de ce concept qui exigent, c'est la quatrième question posée aux élèves, de solliciter un autre concept, jugé plus opératoire (l'éthique de responsabilité). Fait suite à ce travail de lecture un sujet d'écriture sur l'utilisation de la connaissance scientifique pour lequel est donné, en annexe et à des fins d'information de l'élève, un texte de Jacques Testart15 sur le principe responsabilité et le principe de précaution. L'élève est invité à envisager, d'un point de vue citoyen, la relation homme-vivant, la gestion de la biodiversité ou la gestion d'une ressource, l'eau, conformément à l'enseignement pluridisciplinaire reçu.

Interrogeant sur la Charte des principes fondamentaux de la relation entre l'homme et l'animal16, un autre contrôle en cours de formation évalue les prestations des élèves à partir d'une grille qui renseigne autant sur la conception que se fait l'enseignant de son travail que sur ce qui est attendu des élèves.

Trois critères sont donnés et ainsi déclinés :

  • familiarité avec le raisonnement hypothético-déductif (repérage d'un principe ; repérage des conséquences du principe dégagé) ;
  • interrogation de l'élève sur le sens et la valeur d'un discours normatif (mise en évidence de la portée juridique d'un texte ; distinction de concepts propres à la philosophie morale et politique) ;
  • prise de position réfléchie sur une question d'éthique (conceptualisation, problématisation, argumentation philosophique ; ancrage de l'argumentation dans une culture personnelle, notamment scientifique et technique).

Toujours particuliers et contestables, les exemples font courir le risque de masquer l'essentiel, ici le potentiel de liberté accordé à l'enseignant de philosophie sous l'apparence d'une surdétermination du programme et des modalités de l'évaluation. Car, au lieu que l'on trouve dans ces déterminations plus de contraintes qu'il n'en faudrait pour fédérer tous les enseignants de philosophie concernés en vue d'une reconquête urgente de leur liberté philosophique et pédagogique, entre la nécessaire liberté philosophique de l'enseignant et la non moins nécessaire détermination du programme, c'est une alternative à la fois suggestive et d'ores et déjà opérationnelle que propose bien l'enseignement agricole, à travers le CCF tout au moins : inscrire l'enseignant dans un processus d'autodétermination de ses problématiques, les élèves dans une pédagogie de la réussite, et enfin rompre avec les frustrations liées pour l'un, au sentiment de la contrainte et, pour lui comme pour les autres, au trop fréquent constat de l'échec.


(1) Sur l'enseignement agricole et son histoire, on pourra consulter : J. Palméro, Histoire des institutions et des doctrines pédagogiques par les textes, Paris, Sudel, 1958, pp. 366-368 ; A. Prost, L'enseignement en France 1800-1967, Paris, Armand Colin, 1968, pp. 304-305 ; Th. Charmasson, "Les sources de l'histoire de l'enseignement agricole", Annales d'histoire des enseignements agricoles, n0 2, décembre 1987, pp. 103-117 [= Th. Charmasson, "Les sources de l'histoire de l'enseignement agricole", in Th. Charmasson (éd), Archives et sources pour l'histoire de l'enseignement, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 2005, pp. 181-199] ; Th. Charmasson (dir.), A.-M. Lelorrain (éd.), Y. Ripa (éd.), L'enseignement agricole et vétérinaire de la Révolution à la Libération. Textes officiels avec introduction, notes et annexes, Paris, Institut national de la recherche pédagogique, Publications de la Sorbonne, 1992 ; A.-M Lelorrain (dir.), M. Bobbio (dir.), L'enseignement agricole et vétérinaire de la Libération à nos jours. Textes officiels avec introduction, notes et annexes, Dijon, Educagri éditions, Lyon, Institut national de la recherche pédagogique, 2005.
Sur les aspects institutionnels qui font la singularité de l'enseignement de la philosophie dans les établissements agricoles, sur la place de la lecture d'une oeuvre philosophique intégrale en classe terminale et sur le rôle de la philosophie au sein d'un enseignement pluridisciplinaire, cf. Didier Bigou, "La philosophie dans l'enseignement agricole : lecture d'une oeuvre intégrale, animation de séquences pluridisciplinaires", Diotime, n°36, avril 2008.

(2) JORF n°202 du 30 août 2002, Arrêté du 12 juillet 2002 relatif aux programmes des séries du baccalauréat technologique "sciences et technologies de l'agronomie et de l'environnement" (STAE) et "sciences et technologies du produit agroalimentaire" (STPA).

(3) Sur l'emploi du terme référentiel, plutôt que "programme", dans les textes réglementaires de la série agricole du baccalauréat technologique (STAV), voir Didier Bigou, op. cit. Pour des raisons de commodité, nous parlerons généralement ici de programme du baccalauréat, qu'il s'agisse des séries de l'éducation nationale ou de celle de l'agriculture.

(4) JORF n°225 du 28 septembre 2006, Arrêté du 24 août 2006 relatif à la série du baccalauréat technologique "sciences et technologies de l'agronomie et du vivant : agronomie-alimentation-environnement-territoires" (STAV) préparé dans les lycées d'enseignement général et technologiques agricoles.

(5) Sur l'histoire récente des propositions et des projets pour l'enseignement de la philosophie ainsi que des programmes effectivement entrés en vigueur dans les classes d'enseignement général, cf. Gérard Chomienne, "Programmes de philo : 15 ans de projets", Côté Philo, numéro 1, février 2003.

(6) Il s'agit ici de "questions" au sens strict d'interrogations, de formulations interrogatives désignées comme problématiques ("Qu'est-ce que l'opinion : croyance ? préjugé ? idée ?", "Tout peut-il être objet de vérité ?", entre autres) et assorties de thèmes qui sont, eux, à problématiser ("Le langage et la pensée", pour s'en tenir au premier point du programme : "Opinion et vérité").

(7) Baccalauréat technologique séries STAE-STPA, Session 2003, France métropolitaine, Antilles, Guyane, Réunion.

(8) L'épreuve finale est d'une durée de deux heures. Les candidats ont le choix entre deux sujets de nature identique : selon la note de service qui définit l'épreuve, "la première partie vérifie la compréhension d'un texte philosophique, la seconde partie vérifie la capacité à développer une argumentation philosophique" (DGER/SDPOFE/N 2006-2096). La lecture des sujets proposés ces dernières années montre que les questions de compréhension sont en fait au nombre de deux. La première demande de dégager la thèse du texte, la deuxième d'expliquer une expression significative d'un moment de ce même texte. La troisième question est régulièrement formulée en sorte de suggérer un plan dialectique. Les énoncés du type "En quoi..", "Qu'est ce que..." ou encore "Quel est le sens de..." semblent être délibérément écartés.

(9) Affectée d'un coefficient 3, l'épreuve de philosophie, épreuve E5, est formée de deux parties : une épreuve d'examen traditionnelle, affectée d'un coefficient 2 qui propose au choix des candidats deux sujets sur texte (cf. supra, note 9) ; le règlement de l'examen parle d'"épreuve ponctuelle", par opposition au "contrôle en cours de formation" d'une durée de 2 heures maximum à l'écrit, d'une interrogation de 15 minutes maximum à l'oral et qui est organisée par l'enseignant de philosophie sur un sujet (écrit ou oral) conçu par lui et assorti d'une grille critériée d'évaluation. Un dispositif national de contrôle a posteriori est destiné à prévenir d'éventuels dysfonctionnements. Seuls les candidats qui ne bénéficient pas du CCF sont autorisés à subir les épreuves du deuxième groupe lorsque leur moyenne générale à l'examen est supérieure ou égale à 8/20.

(1) 0 La formation repose sur dix "matières" pluridisciplinaires définies par un objectif général. La philosophie intervient ainsi dans la matière M5, L'homme et le monde contemporain, pour faire "acquérir des connaissances issues des sciences humaines pour analyser des faits, des opinions et des idées qui marquent le monde contemporain" et "élaborer une réflexion critique", et dans la matière M8, Gestion du vivant et des ressources, pour faire "acquérir des connaissances et des compétences permettant une approche scientifique, technologique, humaniste et citoyenne de la gestion du vivant et des ressources".

(11) Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, IIIe partie, § III "La liberté", Paris, Gallimard, 1945, col. Tel, 1976, p. 505.

(12) Agro Paris Tech, Présentation de l'UFR Gestion du vivant et stratégies patrimoniales (GVSP), http://www.agroparistech.fr/Presentation-de-l-UFR-GVSP.html. L'expression est citée dans les attendus du programme pour définir la Gestion du vivant et des ressources titre de la matière (M8) qui associe philosophie, biologie et agronomie dans le programme du baccalauréat STAV.

(13) Baccalauréat STAV - Promotion 2008 - Matière M5 - CCF no1 (sur un total de 1) - Durée : 2 heures - Coefficient : 1 (sur un total de 3) - Date : 21 mars 2008. Ce travail a effectivement été conçu, proposé et corrigé par Madame Edith Fayet-Camus, professeur de philosophie au Lycée d'Enseignement Général et Technologique Agricole de Brioude-Bonnefont à Fontannes (43).

(14) Jean-François Mattéi, "Ethique de conviction, éthique de responsabilité", Le Monde, 31 mars 1995.

(15) Jacques Testart, Le vélo, le mur et le citoyen, Paris, éditions Belin, 2006, pp. 44-45.

(16) Ministère de l'agriculture et de la pêche, texte publié le 21 février 2002, en référence aux articles L.214-1 à 214-5 et 215 du Code rural, livre II, et aux articles 521-1, R 654-1, R654-1 du Code pénal.