Vers la démocratie républicaine : un nouveau citoyen à éduquer ? Les activités à visée philosophique au cSur du projet scolaire (Thèse)

Cet article constitue un aperçu d'une thèse de philosophie soutenue en novembre 2008 à l'université Strasbourg 2 et du contenu de son cheminement. Beaucoup d'éléments ne seront ici qu'évoqués, sans pouvoir être suffisamment argumentés. La description passera par deux étapes : la justification de ce travail, puis la description de ses éléments clés.

POURQUOI CETTE THÈSE ?

Deux questions rendent compte de ce cheminement : pourquoi cette thèse de philosophie ? Pourquoi ce sujet (Quelle dynamique de réflexion) ?

Pourquoi une thèse de philosophie ? La poursuite d'une réflexion

Les activités à visée philosophique avaient déjà fait l'objet d'une première thèse, en Sciences de l'éducation (La philosophie en éducation adaptée : utopie ou nécessité Strasbourg 2, 2000), à l'issue de laquelle on avait pu défendre l'idée que la philosophie se posait comme une nécessité de droit pour l'éducation d'adolescents en grande difficulté scolaire, dans le cadre de l'enseignement. On avait pu y justifier qu'un tel enseignement, revendiqué au nom d'un droit à la philosophie issu des problématiques mêmes des droits de l'homme, devait s'inscrire dans les perspectives générales d'une didactique du philosopher (à la suite des travaux de M. Tozzi). On avait alors montré comment, compte tenu des particularités de ces élèves, cela devenait possible dans les classes (inventions ou adaptations de supports spécifiques, de modalités de travail). La réflexion s'est poursuivie, notamment parce que, dans la logique du travail proposé, se sont développés des échanges entre théoriciens, des formations, une dynamique professionnelle d'enseignants en IUFM, ainsi que l'élargissement progressif des perspectives à des situations de classes plus conventionnelles. Ces différents éléments dynamisaient une réflexion, qui en s'approfondissant, renouvelait les questionnements initialement posés.

Le développement de la formation, les rencontres avec les enseignants du secteur spécialisé ou du secteur banal, les colloques ou rencontres avec les praticiens ou chercheurs, ont conduit progressivement à percevoir que semblaient se jouer dans ces pratiques des enjeux plus larges que la simple adaptation d'une nouvelle discipline à tous les niveaux de la scolarité, résultant d'une volonté de concrétiser un "droit à la philosophie". La simple observation des classes a conduit à observer que par cette simple pratique, la représentation par l'élève de lui-même, de l'enseignant, de l'école, de la société, de sa relation au monde évoluaient, puisqu'il était désormais placé dans le statut d'un "interlocuteur valable" (J. Lévine). Évoluaient également ces représentations de la part des enseignants, de l'école, de l'institution scolaire, des parents. Or, ces éléments semblaient trop peu pensés philosophiquement, le champ de la recherche étant plutôt concentré sur les Sciences de l'éducation, notamment pour penser les conditions d'une socialisation démocratique, ou bien sur les supports et accompagnements pédagogiques à fournir à ces pratiques. Il fallait donc développer une réflexion sur les fondements du politique (quelle école, pour quelle société ?). Ne pas se poser les questions des fondements en Droit, en politique, de ces pratiques semblait être de nature à conduire à des pratiques incohérentes, potentiellement contradictoires entre elles, ou avec les objectifs politiques d'une démocratie. Ces pratiques n'étaient pas anodines. L'ignorance de leurs enjeux ou conditions pouvait être la porte ouverte à toutes les incohérences des enseignants, au détriment des élèves qui devraient les subir. Avec le risque que l'effet de mode qui les porte s'atténuant, elles disparaissent rapidement, sans finalement rien changer, sur le fond à l'institution. Ces différents constats ont conduit à réinterroger le fondement même de la première recherche, la question du droit.

Construite à partir d'un droit à la philosophie, dans le cadre des droits de l'homme, la réflexion initiale n'avait pas interrogée le fondement du Droit. Un état de fait avait été accepté (la Déclaration des droits de l'homme), peut-être trop rapidement, avec le risque désormais qu'une critique plus pointue annihile la légitimité du mouvement pour développer ces pratiques, en train de s'opérer. Il fallait donc, partant de plus loin, réinterroger le Droit, mesurer la légitimité qu'il y a à construire, ou pas, un édifice politique et scolaire qui s'en déduise, afin de les légitimer, ou au contraire pour les bannir de l'école, comme une erreur momentanée.

Enfin, ce questionnement philosophique se justifiait par un dernier constat : il fallait se donner concrètement la possibilité d'engager l'échange dans le strict champ philosophique. Il est apparu progressivement que ces pratiques, établies dans le champ des Sciences de l'éducation, devaient se construire dans le champ spécifique de la philosophie. Il y avait là un problème de fond, puisqu'en ne les défendant pas universitairement dans le champ philosophique, on permettait à leurs détracteurs de les écarter d'un geste de la main de la réflexion "philosophique" : on pouvait prétendre que les interrogations que leur présence conduisent à formuler ne s'adressent en réalité pas à la philosophie, mais doivent être cantonnées au champ pédagogique. Il s'agissait donc, pour la première fois, de les poser directement dans le champ philosophique.

Pour autant, la problématique présentée ici n'est pas apparue immédiatement..

Pourquoi ce sujet ?

La première thèse avait fourni l' "esquisse" d'une réflexion sur ces pratiques, articulant les problématiques des droits à celle d'une part d'un système politique républicain essentiellement vu à travers le prisme politique français, et d'un enseignement, là encore décrit dans ses conditions nationales. Renouveler le questionnement apparaissait devoir désormais se faire essentiellement en posant la question des fondements du Droit, et en élargissant la question de l'enseignement philosophique à celle de la nature de l'École.

Entre le Droit et l'école, semblait a priori apparaître le moyen terme politique, une politique potentiellement renouvelée par le fait que la philosophie pourrait sembler renouer le lien entre Démocratie, République et École, en renouvelant par le biais de la philosophie la question de l'éducation du citoyen. D'où une première formulation : De la république démocratique à la démocratie républicaine : un nouveau citoyen à éduquer.

Pourtant, tel n'a pas été le sujet présenté : la dynamique de réflexion, imprévisible au départ, a en effet conduit progressivement à élargir un propos "franco-français" (même s'il peut parfois paraître comme encore trop marqué par ce modèle). Construisant le Droit, sa nature et ses conditions, on en est arrivé à comprendre, à notre corps défendant, que l'universalité du Droit ne pouvait conduire qu'à poser la nécessité d'universaliser le système politique, à faire d'une citoyenneté philosophique dans le cadre d'une Démocratie Républicaine la condition de réalisation d'une humanité aux dimensions tensionnelles multiples. Il fallait donc modifier la problématique initiale. On a cherché à indiquer par une nouvelle formulation du sujet d'une part un objectif à atteindre, cette Démocratie Républicaine directement issue du Droit, d'autre part ce qui apparaissait comme son moyen privilégié, ou ce par quoi, de façon privilégiée, on en distinguait mieux les originalités et les dynamiques de construction, la nécessité de faire d'activités à visée philosophique dans l'école le centre d'une dynamique de réalisation de ce système. D'où l'intitulé définitif : Vers la Démocratie Républicaine : un nouveau citoyen à éduquer ? Les activités à visée philosophique au coeur du projet scolaire

Cet écart par rapport aux préoccupations initiales n'est pas le seul. Cette thèse apparaît désormais bien loin de ce qui était envisagé alors. On va en indiquer les éléments clés, en signalant ces évolutions notables.

LES POINTS CLÉS DE LA THÈSE

Le travail s'articule selon trois axes de questions :

  • L'axe du Droit : est-il pertinent de prétendre fonder rationnellement ces pratiques en Droit ? Quel Droit ?
  • L'axe politique ? Le politique s'impose-t-il, au nom du Droit? Quel politique ?
  • L'axe éducatif : comment éduquer ? Faut-il l'école ? Quelle école ?

Quelle pertinence pour un fondement rationnel du Droit de l'Homme ? Quel Droit ?

La réflexion a voulu s'inscrire dans le cadre d'un raisonnement qui permette de démontrer que ce projet était justifié. Elle est passée par l'examen de questions successives. Quelle pertinence a cette idée d'un fondement "rationnel" ? D'autres "projets" que celui de la raison, c'est-à-dire d'autres façons pour l'homme d'examiner ce qu'il pouvait être, peuvent-ils conduire à remettre en cause cet examen ? Trois autres types de projets apparaissaient possibles : l'action pure, la foi, la référence au sensible. Leur examen a conduit à établir que les conséquences liées à l'établissement de chacun de ces trois projets alternatifs, appelaient en réalité qu'on revendique un projet rationnel pour l'établir, ou tout au moins ne suffisaient pas à l'invalider.

Mais se référer à l'homme, n'est-ce pas mobiliser un concept contestable ? S'agissant d'un examen "dans l'absolu", on a dans un premier temps préféré provisoirement utiliser le terme d'hominité, moins marqué. L'examen d'une hominité se justifiait-il ? On a tenté de prendre en compte ses critiques contemporaines les plus fortes. Un modèle "constructiviste" de compréhension de l'humain permettait d'indiquer que les critiques faite par l'existentialisme ne condamnaient pas nécessairement le projet ; la critique par Foucault semblait elle-même porteuse de contradictions internes qu'il convenait de réexaminer ; l'analytique existentiale (Heidegger) paraissant appeler également un examen pour en déterminer la pertinence. L'examen pouvait donc exister. Pour le faciliter, il a semblé plus simple de tenter de procéder par opposition ou comparaison, entre l'hominité, et le postulat qu'il y aurait quelque chose de l'ordre d'une contr'hominité.

Que ne serait pas l'hominité ? Comparant l'hominité au reste du monde, puis à l'animalité, on a déterminé que l'hominité semblait correspondre à la capacité de mettre à distance le monde, qui s'exerce notamment, lorsqu'elle cherche à se caractériser elle-même, avec des conséquences qui évoluent, comme par exemple lorsque le médecin Itard place l'enfant sauvage dans le cadre d'une humanité éducable. Hominité et contr'hominté se révèlent, à l'examen, complémentaires.

Pourquoi alors privilégier en Droit l'hominité ? Quel Droit ? La survie de l'hominité a paru s'imposer en Droit, dans la mesure où faire survivre l'hominité conditionne en réalité la possibilité du Droit de toutes les espèces au nom desquelles la question du droit se pose.

Quelles caractéristiques, pour quels droits ? Le droit de survivre n'est pas tout : l'hominité se révèle comme espèce des liens, constructeurs, libérateurs, mais potentiellement sclérosant, en tension entre individu et espèce. Le constat de la diversité dans l'hominité révèle son potentiel de choix, auquel le projet de fonder un cadre des cadres correspond, avec trois outils : un langage, une rationalité, une culture.

Un point clé apparaît alors : l'enfant, comme adulte en devenir, incarne l'idée politique de ce projet à présent identifié comme projet de l'Homme. Il en constitue la référence éthique.

Comment en rendre compte ? Un cadre d'ordonnancement du Droit, fixant des priorités éthiques par dix principes a pu être construit. Il se décline en Droit de l'Enfant avec dix principes : accéder aux dimensions ; Pouvoir assumer / Droit des espèces ; Privilège de l'Homme et limites) / Droit de l'Homme ; Hiérarchisation ; Limites ; Trois dimensions ; Privilège; Équilibre ; Projet politique ; Individualité.

La nécessité d'un projet politique en est le neuvième principe. Comment le penser ? Cela constitue le deuxième axe de la réflexion.

Faut-il lui faire correspondre au Droit un projet politique ? Lequel ?

Quels sont les arguments qui s'opposeraient à cet examen ? Trois d'entre eux semblent s'opposer à la nécessité d'un projet politique spécifique : l'apparente prévalence de l'économie, la présence des trois dimensions dans tout projet politique, le risque de supprimer la liberté en favorisant un droit de l'espèce. Or l'examen de ces éléments constitue précisément l'un des fondements de constitution du projet.

Comment prendre en compte le contexte dans lequel le projet du Droit s'inscrirait ? L'étude de l'évolution de la situation internationale fonde des constats, et conduit à questionner le Droit, pour déterminer dans quelle mesure il doit évoluer et comment organiser le politique:

  • Premier constat : la Charte des nations unies sanctifie l'État-nation, elle ne permet pas de fonder une politique internationale, ni une Constitution. Faut-il accorder dans le Droit un statut au peuple ?
  • Deuxième constat : la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) concrétise déjà des éléments du cadre du Droit. Suffirait-il de transposer l'organisation politique d'une nation à l'échelle de blocs de nations pour reconstituer le politique ?
  • Troisième constat : l'examen des textes internationaux (Charte de l'ONU, DUDH, Convention Internationale des Droits de l'Enfant (CIDE)) montre que, dans les faits, des principes et une situation politique se confrontent. Comment traduire dans ces textes les tensions ?
  • Quatrième constat : la mondialisation économique. Comment faire que le Droit s'en dégage ?
  • Cinquième constat : les problèmes environnementaux créent un contexte politique favorable. Quel cadre politique se donner pour les examiner ?
  • Sixième constat : la place de l'individu est croissante. Comment permettre que le droit des espèces soit examiné ?
  • Septième constat : l'évolution vers le libéralisme fait débat. Comment penser le Droit pour s'exonérer des difficultés posées au libéralisme ?

Finalement, au regard de ces constats et questions, ne serait-il pas plus simple de reprendre un modèle qui se veut à la fois républicain et démocratique, et pourrait alors prétendre concrétiser les tensions entre individu et espèce, et entre les dimensions du droit : le modèle français ?

Trois de ses composantes apparaissent poser problème au Droit :

  • la citoyenneté, qui dans ce modèle peine à réaliser l'universalisation du singulier ;
  • les lois, dont le rapport de priorité avec le droit est difficile à déterminer ;
  • le système politique, qui limite la démocratie à lui-même, et qui a du mal à inscrire la République dans une perspective universelle.

Il faut donc faire évoluer la réflexion, tenter de renouveler le politique.

Quels sont les problèmes posés de fait, pour déterminer le politique ? L'examen des problèmes liés au Droit, à l'individu, à la nation, à l'imaginaire, au concept de souveraineté et à l'éducation, a permis de déterminer que le cadre d'ordonnancement du Droit doit se concrétiser dans le politique par le biais de principes. La primauté du Droit trouvera sens dans une instance politique, à laquelle on parviendra progressivement grâce à l'évolution progressive des systèmes politiques. Une élaboration à la fois rationnelle et un travail de l'imaginaire qui permet la synergie politique. Le Droit devient l'un des sujets d'une éducation qui réexamine les conditions de cette synergie.

Quelles sont les dimensions de la réflexion politique ? D'une part, elle devra préserver les tensions du Droit. Mais d'autre part, d'autres tensions apparaissent : politique/hors politique ; infrastructure/superstructure ; réel/imaginaire ; conscient/inconscient ; rationnel/affectif ; passé/présent/futur. En les étudiant, on établit l'idée qu'un système politique du Droit est en réalité centré sur une idéologie du Droit : ce qui permet un fonctionnement commun, ce qui conduit aussi à toujours réexaminer l'existant (dimension utopique). On comprend, au regard de la multiplicité des perspectives, que ce système vise plus à éliminer les incohérences, qu'à être parfaitement cohérent.

Quel système proposer ? Le politique semble devoir se constituer et s'examiner dans et par le débat au nom des principes qu'il revendique. Le système du Droit se pose alors comme un système du débat. Le niveau de généralisation des problèmes posés conditionnera la nature et la fréquence des débats à construire. L'acteur politique s'y comprenant dans une perception "structuraliste" du politique.

Comment ce système fonctionne-t-il ? Construire le système du Droit revient à l'identifier en réalité comme une "forme système", dans lequel la décision doit se référer à des principes. Particulier et espèce y sont en tension. Du point du fonctionnement, la Démocratie Républicaine se pose à la fois comme un idéal de l'action, régulant l'activité de chaque acteur et la phase de construction politique, et d'autre part comme une réalité qu'on cherche à construire dans les faits. Elle se centre autour de deux dimensions du collectif : un État centralisé, constitué progressivement par transfert de souveraineté des nations, et des communautés politiques choisies individuellement, émanation de l'État mais aussi contre-pouvoirs. La dynamique du progrès vers ce système peut se penser comme "pédagogique" : identification et construction du problème par ses acteurs, détermination et examen d'objectifs d'évolution, identification des moyens pour les traiter, développement d'une dynamique "spiralaire" de prise en charge et d'organisation progressives.

Comment ce système s'inscrit-il dans les débats politiques contemporains ? Le débat entre libéralisme et communautarisme, autour de la théorie de la justice de J. Rawls, permet de combiner, par le double niveau du politique, neutralité et conception spécifique des politiques publiques. L'éducation du sujet passe par l'intersubjectivité, permettant à chacun par l'éducation de saisir la communauté politique comme un élément d'un choix, et de se saisir comme "particulier universel". La dimension économique y apparaît d'une part par le souci d'exploitation du principe de différence de J. Rawls, d'autre part en souhaitant développer les conditions d'une école "libératrice", qui permette à chacun d'interroger le poids de l'économie.

Quels principes proposer pour la constitution ? Il ne s'agit que de propositions, qui pour s'inscrire dans la dynamique voulue vers la Démocratie Républicaine, prend en compte les textes existants. Après avoir examiné ces textes, constaté leur diversité et leur manque par rapport au droit (pas de droit des espèces, la biodiversité n'y étant qu'une ressource, ils ne constituent qu'un idéal de référence), on a pu déterminer deux principes d'action :

- un principe d'universalisation : l'impossibilité d'une action qui oblitérerait définitivement la possibilité universelle de cette même action ;

- un principe de réciprocité : l'impossibilité d'une action où celui qui agit n'accepterait pas d'être à la place de celui qui doit subir les conséquences de l'action.

On a pu progressivement proposer alors des principes constitutionnels, comprenant : un préambule ; une liste de propositions de principes de constitutionalité centrés sur le droit de l'Enfant, des Espèces, de l'Homme, qui s'inscrivent, tout en la renouvelant, dans la continuité de textes internationaux existants.

Restait alors à examiner la question de l'éducation.

Comment éduquer ? Faut-il l'école ? Quelle école ?

Dans quel cadre fallait-il penser l'éducation, par rapport aux perspectives politiques ? La reprise des éléments d'analyse issus de la réflexion politique, a permis de déterminer quatre perspectives pour l'éducation : apprendre (faut-il transmettre des connaissances ?) ; éduquer (comment éduquer au Droit et à ses principes ?) ; se construire (comment le faire sans rejeter toute identité ?) ; interroger (l'interrogation est-elle encore possible à l'issue de l'éducation ?). L'interrogation éducative a semblé devoir être cadré par cinq perspectives tensionnelles : transmettre/construire ; vivre/comprendre ; rationalité/affects ; fluidité/rigidité ; individu/collectif.

À quelle éthique conformer l'éducation ? Trois points de repère apparaissaient : les deux principes d'ordonnancement du Droit, plaçant l'enfant au coeur du projet éducatif ; la forme système du Droit qui conduit l'enfant à se saisir comme auteur du Droit, conduit à souhaiter lui permettre d'exercer sa volonté et s'identifier comme sujet politique transcendantal référé aux principes d'une éthique communicationnelle ; et enfin les principes constitutionnels, qui devront à la fois être acceptés et discutés.

La scolarité, qui seule permet que se construise l'idée du Droit, s'y présente comme obligatoire jusqu'à l'âge adulte.

Quelle scolarité obligatoire ? Des valeurs de référence apparaissent fonder l'École : la rationalité, l'intégration, la transmission d'outils intellectuels, l'éducabilité de chacun, le respect par la laïcité. La société, les cultures d'appartenance, y seront examinées. L'imaginaire, porteur d'avenir, y tient une place centrale. Le développement de l'ensemble de ces perspectives conduit à identifier la place de la philosophie comme au coeur du projet scolaire.

Sur quelle conception de l'École s'appuyer ? Si l'expérience passe par l'apprentissage du temps et de l'espace, on fera à l'École l'apprentissage de la chronologisation et de la simultanéisation ; elle permettra la réflexion sur l'espace, tout en se posant comme espace d'apprentissage à penser, pour le débat notamment. La philosophie joue le rôle d'une adresse faite intérieurement et extérieurement à l'École : interrogation des disciplines, de l'interdisciplinaire, du transversal, de l'École en soi, du monde. Par ces interrogations, l'individu s'interroge en réalité sur lui-même

CONCLUSION : COMMENT PENSER LA PÉDAGOGIE DANS L'ÉCOLE ?

Penser l'enseignement de la philosophie conduit à réutiliser les travaux de M. Lipman, J. Lévine et M. Tozzi comme premiers points de repère pour identifier l'idée d'une visée philosophique, à l'intersection entre ce que l'élève peut construire dans l'effort pour penser et l'idéal régulateur du philosopher, identifié ici par la mise en oeuvre de processus de pensée en relation dynamique spécifique, à un haut niveau d'abstraction.

Les "croyances que..." ont leur place dans cette école, permettent d'identifier les noeuds problématiques qui les séparent. Par ailleurs, les disciplines y apparaissent, certaines classiques, d'autres apparaissent parce qu'elles sont complémentaires, dans la logique qui les justifie, d'autres nouvelles viennent compléter.

Une pédagogie du projet y apparaît nécessaire. Elle se renouvelle par le questionnement philosophique.

Quatre principes fondent cette École : Une scolarité de base ; Le développement de la raison et de la sensibilité ; La socialisation démocratique et la mise en place de disciplines scolaires identifiées (une liste en a été proposée); Des activités à visée philosophique.

Ce travail fournit donc, à présent, dans le champ purement philosophique, une première forme de légitimation des pratiques à visée philosophique à tous les niveaux de la scolarité. Il appelle à présent un travail d'articulation pédagogique des perspectives éthiques, politiques et didactiques qui y sont à l'oeuvre.