La pensée par détour : valeur ajoutée et mode d'emploi en entreprise. L'expérience de l'ASBL "Philosophie et Management"

Quelle peut-être la valeur ajoutée de la philosophie en entreprise ? L'expérience menée en Belgique par "Philosophie & Management" depuis huit ans suggère que celle-ci peut être considérable, pour autant que les conditions et les attentes de l'intervention soient bien posées, et qu'une méthodologie appropriée soit déployée. Cet article traite des points suivants :
- origine et objectifs de "Philosophie & Management" ;
- ses activités et réalisations ;
- interventions en entreprise ;
- leçons : conditions de succès et méthodologie.

Introduction

La philosophie peut-elle avoir une valeur ajoutée pour le manager ? Peut-elle l'aider à mieux remplir son rôle ou sa fonction au sein de son organisation, entreprise, administration publique ou ONG ? Pourrait-elle, par exemple, lui donner les moyens de motiver ses collaborateurs, ou de mieux affronter les difficultés de sa vie professionnelle et personnelle ? Quel serait en ce cas l'apport spécifique de la philosophie par rapport à des démarches ou disciplines telles que le coaching, la méditation, le yoga ou ...le golf ? Cet apport serait-il convaincant au point d'inciter un manager déjà très occupé à y investir un temps et un loisir précieux, peut-être au détriment d'activités réputées éminemment régénératrices comme le jardinage, la planche à voile ou la dégustation de vins ?

Pour beaucoup, voire pour une majorité, de cadres et chefs d'entreprise, il existe une véritable antinomie entre la philosophie et le management. Ce sont deux mondes totalement étrangers l'un à l'autre, tant par leurs préoccupations que par leur style et leurs méthodes. Non seulement la philosophie et le management sont des univers éloignés, mais ils doivent le rester. Au management, la conduite des affaires, la prise de décision, l'action sur le terrain, le concret, le langage clair, les résultats tangibles : en bref la réalité. A la philosophie appartiendraient par contre la réflexion en chambre, la rumination en tour d'ivoire, les formulations et le langage abscons, les idées générales et irréalistes : autrement dit l'abstraction. Ces deux mondes si distincts, il vaut mieux ne pas les mélanger, sous peine d'introduire dans l'entreprise une source de confusion, de déperdition d'énergie et de diversion par rapport à sa mission, son métier, son marché ou son client. Et pourtant, combien d'entreprises n'utilisent-elles pas le vocable "philosophie" lorsqu'elles communiquent, se présentent et évoquent leurs produits et services.

Le projet de "Philosophie & Management" s 'inscrit d'emblée en faux par rapport à cette vue des choses. Pour nous, il existe un rôle possible de la philosophie aussi bien vis-à-vis du manager individuel que vis-à-vis de l'entreprise. Ce rôle est positif : il constitue une valeur ajoutée. C'est à la fois notre conviction et notre expérience. Cependant, ce que notre expérience nous enseigne également, c'est que certaines conditions doivent être satisfaites et une méthodologie rigoureuse suivie pour que cette valeur ajoutée se manifeste par des résultats concrets.

Le projet de "Philosophie & Management" : origine

L'Association "Philosophie & Management" fut créée à Bruxelles (Belgique) en 2000 par deux consultants (Rodolphe de Borchgrave et Luc de Brabandère) et par un philosophe (Stanislas Deprez). Son objectif général est de rapprocher le monde de la philosophie et celui de l'entreprise.

La conviction des fondateurs était que de nombreux managers belges s'intéressent à la philosophie, pour diverses raisons, soit à titre personnel, soit dans une perspective de développement professionnel. En pratique, l'accès à cette discipline leur reste cependant difficile en raison des contraintes professionnelles et des modes de fonctionnement spécifiques tant à l'entreprise qu'à l'enseignement/recherche philosophique. En réponse à cette situation, l'Association conçoit et crée des interfaces appropriées aux échanges et au travail commun entre les dirigeants d'entreprise et les philosophes professionnels.

Statut et organisation

"Philosophie & Management" est une association sans but lucratif (asbl, type association loi 1901 en France). Comme toute "asbl", elle est dirigée par un conseil d'administration et gérée par une petite équipe opérationnelle. Le conseil d'administration est composé des fondateurs, de managers et d'un philosophe universitaire "professionnel". L'association a constitué et développé un réseau important de collaborations avec des philosophes, principalement chercheurs et/ou enseignants dans les universités belges et étrangères.

Activités et services

L'Association propose les activités suivantes :

  • Un séminaire d' "Initiation à la pensée et à la démarche philosophiques". Il s'agit de faire découvrir le champ et l'intérêt de la philosophie (fonction, méthode, thèmes, histoire, etc.) dans le cadre de la vie professionnelle par des rencontres entre un groupe de dirigeants et un philosophe. Les séances comportent un exposé et une discussion approfondie. Des documents sont distribués à l'avance et un compte-rendu l'est aussi par la suite. Ce séminaire s'adresse à tous ceux, en particulier les cadres et dirigeants, qui dans l'entreprise, souhaitent élargir leur réflexion.
  • Séminaires de "réflexion philosophique approfondie sur des questions pertinentes pour l'entreprise". Les thèmes suivants y ont été ou y seront abordés : "Évaluation des sciences et de la technologie" (2003) ; "Le lien social et l'espace public" (2004); "Vivre et penser la complexité" (2005) ; "Le management et la pensée non européenne" (2006) ; "L'argent et la monnaie" (2007) ; "Le virtuel et le réel" (2007) ; "La responsabilité sociale de l'entreprise" (2007). Ces séminaires s'adressent à ceux qui souhaitent appliquer la réflexion philosophique aux enjeux spécifiques de la vie économique ou d'entreprise et qui ont déjà eu un premier contact avec la démarche philosophique, notamment au cours d'un séminaire d'initiation. Pour le reste, le mode de fonctionnement est le même que celui du séminaire d'initiation.
  • Cycles de conférences destiné principalement (mais non exclusivement !) aux personnes intéressées par une approche philosophique de l'économie et de la société, mais ne pouvant pour des raisons pratiques participer à l'ensemble d'un cycle de séminaires. Afin de toucher un public le plus large possible, l'Association organise ces conférences en collaboration avec d'autres institutions. Notamment : "Enjeux philosophiques et éthiques de la vie d'entreprise" (en 2002 avec la SRBII) ; "Vivre et penser les réseaux - Vers un nouveau paradigme ?" (en 2004 avec la Fondation Universitaire) ; présentations et débats autour d'ouvrages récents de nos intervenants (en 2005 avec la librairie Tropismes) ;
  • Interventions d'assistance combinée philosophie-management dans les entreprises. Ces interventions sont taillées sur mesure en fonction du profil et de la problématique spécifiques de l'entreprise. Elles peuvent se dérouler selon diverses modalités : programmes de formation, séminaires de direction, coaching, assistance à la gestion du changement (organisation, technologie...) ou à la résolution de problèmes, conduite de projets, etc. Elles sont animées, selon le cas, par l'équipe de "Philosophie & Management", agissant conjointement avec des philosophes professionnels.
  • Publications : deux ouvrages sont issus de nos travaux : Le philosophe et le manager (Dir. Rodolphe de Borchgrave, Ed. De Boeck (2006) ; et Penser le changement dans la vie professionnelle (Dir. Rodolphe de Borchgrave et Magdalena Darmas, Ed. Le Cri (2007). Un troisième projet est en discussion avec un éditeur.
  • Un site internet (www.philosophie-management.com) informe régulièrement les personnes intéressées sur nos activités et les évènements que nous organisons.

Quoique conçues en vue des intérêts spécifiques des managers et des entreprises, nos activités sont toutefois accessibles à toute personne qui souhaite y participer, quel que soit son profil.

Interventions en entreprise

Le centre d'intérêt du colloque organisé à l'Unesco est l'intérêt de la philosophie non pas seulement pour le manager individuel, mais pour l'entreprise. La question de fond est en effet de savoir si une application directe de la philosophie au sein même d'une organisation est réalisable, et si elle pourrait avoir une valeur ajoutée, en dynamisant ou en orientant une activité collective. En d'autres termes, la philosophie pourrait-elle être utilement pratiquée dans une entreprise ou une administration, et utilisée comme méthode ou outil de travail, par une équipe de projet, un service ou une division ?

L'intérêt manifesté à titre individuel par de nombreux managers est un signe encourageant et rend a priori cette idée séduisante. Cependant, divers obstacles et objections surgissent dès qu'on envisage sa mise en oeuvre pratique.

En premier lieu, il s'agit de s'adresser à une collectivité plutôt qu'au manager en tant qu'individu. L'existence d'une demande d'un groupe pour la philosophie n'est pas évidente, étant donnés :

  • Le manque de familiarité avec le langage, le fond culturel et les codes de communication de la philosophie. Destinés à des échanges entre experts partageant déjà largement un langage commun, ceux-ci sont perçus à priori comme très éloignés des modes de communication habituels des organisations.
  • Le sentiment qu'il s'agit d'un exercice gratuit par rapport aux enjeux du projet en cours. La philosophie, ce serait de l'art pour l'art, sans ambition de résultat concret, sans doute parce que sans moyens d'y parvenir. Pourquoi donc y investir un temps précieux ?
  • Le souci de consacrer son temps de travail à des choses utiles.

Dans la mesure où ces résistances peuvent être dépassées, notamment par la direction, il faut encore pouvoir insérer des éléments de réflexion philosophique dans les processus de gestion existants : budget, stratégie, audit, projet, reconfiguration, etc. Or, il ne s'agit pas ici de recherche ou de spéculation, mais de management. Les processus sont déjà là : ils ont leur logique propre, leur raison d'être et leurs critères de performance. Ils sont à la fois structurés et structurants : on ne peut y faire n'importe quoi. Tout cela n'est-il pas en contradiction avec une certaine gratuité et avec la liberté de pensée et d'expression de la philosophie ?

La faisabilité d'une application à valeur ajoutée de la philosophie en entreprise est donc loin d'être évidente. Elle pourrait même être contre-productive et déclencher des réactions hostiles. Après tout, le management et la philosophie ne sont-ils pas des pratiques de portée très différentes ? Voici donc nos hypothèses :

  • une introduction de la philosophie dans l'organisation a du sens ;
  • dans des circonstances favorables, elle peut même y apporter une valeur ajoutée importante ;
  • cette introduction est jouable, moyennant des modalités appropriées.

À diverses reprises, "Philosophie & Management" a eu l'occasion d'intervenir dans des entreprises et de tester ces hypothèses. On trouvera dans le paragraphe suivant la description de l'une ou l'autre de ces interventions. Leur analyse nous permettra de revenir sur des questions de conditions de succès et de méthodologie.

Quelques interventions

Depuis plusieurs années, "Philosophie & Management" est régulièrement sollicitée par des entreprises qui, à des titres divers, lui demandent d'apporter une composante de réflexion philosophique à des enjeux de gestion. Les problématiques furent variées : stratégie, organisation, gestion de ressources humaines. L'impact et les résultats furent aussi assez inégaux : très concrets et positifs dans certains cas, faibles ou impondérables dans d'autres cas. Voici une brève description de trois d'entre eux :

- Une grande entreprise belge du secteur des médias, en difficulté financière, venait de faire réaliser un plan de redressement et se trouvait au milieu du gué par rapport à sa mise en oeuvre. Ce plan prévoyait notamment une nouvelle structure d'organisation. D'autre part, la direction souhaitait faire adopter par l'ensemble du personnel une nouvelle charte de valeurs. Cette charte de valeurs couvrait les principales attitudes professionnelles attendues du personnel à tous les niveaux. Un cadre de la direction, chargé de la mise en oeuvre du plan et ayant une formation philosophique, s'adressa à notre association pour la réalisation d'un atelier de réflexion sur la liaison entre la nouvelle structure d'organisation et la charte de valeurs. Cette demande donna lieu à un atelier d'un jour qui réunit l'ensemble du conseil de direction de l'entreprise. À la demande de l'entreprise, cet atelier fut animé à la fois par "Philosophie & Management" et par un autre conseiller externe. Il comporta des exposés sur des concepts de philosophie, un témoignage d'entreprise étrangère, des exposés de concepts de management et des débats. Les conclusions ne furent pas très claires ni très opérationnelles et il en résulta pour tous une impression de confusion un peu frustrante.

- Une société internationale de produits pharmaceutiques, leader dans le domaine des tests médicaux, a développé une nouvelle technologie basée sur l'analyse génomique. L'introduction de cette technologie, très prometteuse en soi, pose de nombreux problèmes d'acceptation et de faisabilité. Cette société a voulu explorer la réaction de la société à sa technologie et a fait appel à "Philosophie & Management" pour organiser un débat avec les parties prenantes de la société. Ce débat réunit des représentants de divers segments concernés de la société belge dans un atelier articulé autour d'informations de type technique et de réflexions philosophiques (éthique et épistémologie). Toutes les parties participantes firent une évaluation très positive de ces ateliers. Ils aidèrent la société "cliente" à structurer son dialogue avec les parties prenantes.

- Une société internationale de matériaux de construction voulait décliner sa charte éthique en règles pratiques, en aidant ses employés à gérer concrètement les nombreux dilemmes éthiques inhérents au secteur. Un atelier réunit les cadres et proposa à la fois une explication philosophique de ce qu'est une position éthique et une méthodologie pratique d'arbitrage des dilemmes éthiques. Cette méthodologie fut testée avec succès sur divers cas concrets issus de l'expérience de l'entreprise.

- La branche européenne d'une entreprise internationale de matériaux installée en Belgique a une structure de gouvernance comportant un actionnariat japonais et un management européen. Diverses tensions rendent la coopération difficile entre ces deux entités. Une des sources de tension, identifiée avec la direction, est de nature culturelle et liée au fait que les européens ne comprennent pas la mentalité et les attitudes japonaises. Un séminaire d'introduction à la pensée japonaise a permis aux managers européens de donner du sens à leur expérience et de revoir, avec succès, leurs modes de communication et leur comportement vis-à-vis de leurs collègues japonais.

Conditions de succès et méthodologie

La pertinence de l'approche et des interventions de "Philosophie & Management" peut être évaluée selon divers critères. Ces critères sont principalement :

- leur impact: y a-t-il eu des résultats concrets reconnus par l'entreprise ? ;

- la spécificité de l'approche (la philosophie est-elle une valeur ajoutée par rapport à d'autres approches ?). De ce point de vue, nos expériences couvrent divers cas de figure : à la fois des succès et des demi-succès :

  • Cas : Média - Résultats concrets : Non - Spécificité de la philo : Peu
  • Cas : Pharmacie - Résultats concrets : Oui - Spécificité de la philo : Moyen
  • Cas : Matériaux (1) - Résultats concrets : Oui - Spécificité de la philo : Oui
  • Cas : Matériaux (2) - Résultats concrets : Oui - Spécificité de la philo : Oui

Cette brève synthèse montre que nos expériences ont couvert la gamme des résultats possibles : du succès complet à la faible réussite. Ceci nous permet de réfléchir sur les conditions générales de succès d'une intervention à caractère philosophique dans l'entreprise.

Il nous semble en effet aujourd'hui que ces conditions de succès sont :

  • l'existence, au sein de l'entreprise, d'une problématique, d'un enjeu ou d'une question susceptible de (re) formulation, totale ou partielle, en termes de réflexion philosophique ;
  • l'existence d'une demande et d'un soutien ferme au projet de la part de la direction ;
  • la capacité de la direction d'entreprendre ou du moins d'accepter une re-formulation d'un problème en termes philosophiques ;
  • la capacité de l'équipe d'intervention (les "philosophes") d'appréhender le problème de l'entreprise et de formuler une intervention en termes de gestion ;
  • l'acceptation, au moins passive, de la démarche de la part des participants ;
  • l'absence de conflits majeurs au sein de l'entreprise, se traduisant par un rejet de toute initiative "originale" de la direction ;
  • une compréhension et une information minimales du contexte interne de l'entreprise par les intervenants ;
  • la perception par les participants de l'indépendance des intervenants par rapport à toute thèse de la direction ou d'un groupe d'influence.

Parmi les conditions d'échec ou de difficultés majeures :

  • un problème pas clair, qui ne peut être formulé en termes précis ;
  • l'absence d'objectifs opérationnels précis ;
  • une hostilité plus ou moins ouverte entre le personnel et celui qui prend l'initiative ;
  • le mélange des genres ;
  • le sentiment des participants que le langage de la "philo" est le camouflage d'une thèse de la direction, d'un acteur ou d'un groupe de pression.

La (re)formulation du problème est donc une condition essentielle de succès. C'est elle qui permet à la philosophie d'apporter une valeur ajoutée.

Ceci nous amène à tenter d'énoncer quelques principes généraux d'une méthodologie de l'intervention en entreprise destinée à créer de la valeur ajoutée par la spécificité d'une réflexion à portée philosophique. Quel peut-être, en effet, l'apport spécifique de la philosophie ? Le management est une approche structurée de l'action dans les organisations. Il met en oeuvre, pour le manager, une certaine relation entre le savoir, le savoir-faire et l'action, en vue d'une activité collective qui crée de la valeur ajoutée pour les parties prenantes ("stakeholders") de l'entreprise : actionnaires, employés, clients, etc. Cette approche structurée repose dans une large mesure sur la capacité des dirigeants et des managers d'analyser des situations en termes de "business" : marchés, concurrence, ressources humaines, organisation, processus, cadre réglementaire, structure financière, etc. Ceci suppose une attitude mentale qui ordonne le "monde-pour-l'organisation" dans des boites conceptuelles appropriées à l'action managériale: le plan marketing, l'organigramme, la base de données, le processus, etc. Toutes ces "boites conceptuelles" sont à la fois très puissantes et très opérationnelles, mais également, par leur limites internes, sources de blocages, de paralysie, d'apories, etc. Par rapport à ces blocages, la philosophie peut apporter une valeur ajoutée spécifique, dans la mesure où elle se révèle capable d'importer dans la démarche de pensée du manager d'autres concepts, d'autres angles de visée, d'autres idées, d'autres "boites conceptuelles", à la fois nouvelles et pertinentes par rapport au problème posé. La valeur ajoutée potentielle de la philosophie c'est, si tout va bien, de permettre de voir les choses autrement et par là, de donner du sens à ce qui en avait peut-être perdu, et retrouver sa créativité, elle-même une des sources de l'innovation et donc de la compétitivité.

Cependant, créativité et innovation, bien que liées et complémentaires, ne sont pas identiques. Ce sont deux temps différents d'une même démarche. La créativité, c'est voir le monde autrement. L'innovation, c'est pouvoir traduire la créativité dans les faits.

À partir de ces constatations, on peut formuler quelques principes généraux d'une méthodologie de l'intervention philosophique en entreprise. Celle-ci devrait idéalement se dérouler en cinq temps :

1) Le point de départ est un problème ou une question qui se pose dans l'entreprise. Il faut d'abord bien identifier ce problème, cette question ou cet objectif, et cela en termes de management. Par exemple :

  • lancement d'un nouveau produit ;
  • acceptation d'une nouvelle technologie ;
  • positionnement de l'entreprise par rapport à la "responsabilité sociale" ;
  • changement d'organisation.

Cette étape est surtout basée sur un apport d'informations venant de l'entreprise. Un bon critère de succès sera ici l'aboutissement d'une convergence de vues, de langage et de compréhension entre la direction de l'entreprise et l'intervenant.

2) Il faut ensuite pouvoir (re)formuler le problème en termes de questionnement philosophique. Quelle est (quelles sont) les questions philosophiques sous-jacentes au problème ? Par exemple :

  • la technologie est-elle comprise ?
  • qu'est-ce que la responsabilité sociale ?
  • qu'est-ce que l'identité dans l'entreprise ?
  • comment pense un actionnaire japonais ?

Cette phase est surtout basée sur la réflexion de l'intervenant. Elle doit être validée par l'entreprise et conduit à définir les objectifs et le format de l'intervention.

3) Conduite de l'intervention proprement dite. Celle-ci pourra, par exemple, consister en l'organisation et l'animation d'un atelier, ou dans l'assistance à la conduite d'un projet : un processus à mener conjointement avec des managers et des philosophes qui, principalement, ont quelque chose à dire sur les questions de philosophie évoquées au point 2, tout en ayant un minimum de compréhension du contexte organisationnel.

4) Organiser l'atterrissage des idées développées en cours d'atelier, c'est-à-dire leur transposition en propositions pratiques pour l'entreprise. C'est la partie la plus délicate et la plus difficile de l'intervention. C'est aussi ici que se mesure, pour l'entreprise, le succès de l'intervention.

5) Mettre en oeuvre les propositions concrètes.

L'expérience menée depuis huit ans par "Philosophie & Management" suggère que l'importation et la pratique de la philosophie dans l'entreprise non seulement sont praticables, mais peuvent être utiles et avoir une valeur ajoutée considérable. Pour que cela advienne, il faut déployer une approche et une méthodologie spécifiques : celle de la pensée par le détour.