Enfance et philosophie

Une analyse philosophique des rapports de l'enfance à la philosophie et de la philosophie à l'enfance, comme tissu de fond pour penser ce qui se joue dans les nouvelles pratiques à visée philosophique avec les enfants.

"Dès l'enfance, les hommes ont, inscrites dans leur nature, à la fois une tendance à représenter - et l'homme se différencie des autres animaux parce qu'il est particulièrement enclin à représenter et qu'il a recours à la représentation dans ses premiers apprentissages - et une tendance à trouver du plaisir aux représentations". (Aristote, Poétique, 4, 1448b).

Image et concept

La connaissance ne peut se passer d'une propédeutique et d'une introduction progressive dans les savoirs qui font les arts complexes et éminemment philosophiques de la pédagogie. Comment entrer dans le savoir si ce dernier n'est pas d'une certaine manière disposé à recevoir, par une entrée à déterminer, les voies qui autorisent l'audacieux à en sortir là où il veut quand il le peut ? Connaître, savoir, apprendre, chercher, cela passe par la voie des sens et, parmi eux, la vision, sens fondamental, donna son nom à l'éminent objet "idée" et à la contemplation spéculative par excellence, la "théorie". C'est donc peu de dire que l'image introduit le théorique dans la représentation : elle est la figure même, exposée en extériorité, d'un savoir immédiat offert à l'apprentissage. Elle est la vision totale, synopsis, synthétique de ce que représenter signifie pour l'être humain : appréhender matériellement la vision, en tant qu'elle est théorie, et apprendre psychiquement la représentation, en tant qu'elle initie à un espace symbolique interne allant au-delà de l'immédiate intuition d'objet figuré dans les sens. Que le sens des énoncés passe (ou ne passe pas) par les sens, fut, dans l'histoire de la philosophie, un moment métaphysique fort, qui a défini l'Occident et ses logiques du sens. Le dialogue entre matérialistes et idéalistes s'origine de ce rapport entre vérité et corps : le corps de la vérité et la vérité des corps déterminent toute une éthique et une hiérarchie de valeurs jouant sur les articulations entre illusion et réalité, apparences et essences, fausseté et vérité, être et non-être.

Les dispositions à la représentation sont donc indissociables des "premiers apprentissages", et, dans le même mouvement, du plaisir donné par la représentation et l'inclination à la mimésis. L'imitation est-elle cause du plaisir ? Ou est-ce l'apprentissage mimétique qui provoque le plaisir ? Ou encore est-ce le plaisir qui produit la représentation, et, du même coup, provoque, par une ruse de la Nature, une raison d'apprendre, mettant en place une logique des savoirs dans le jeu des oppositions mimétiques ?

La philosophie est tout aussi bien ce savoir original et initiatique, proprement propédeutique. Elle convoque une naïveté liée à l'aurore de son travail originaire d'interrogations sur la nature et les fondements des choses en tant qu'elles sont ce qu'elles sont et comme manifestations d'une autre scène que celles de leur apparition. Le vertige de sa pratique, la folie sage de la philosophie, l'ivresse de son sérieux, provient du fait qu'elle ne s'arrête pas au simple plaisir de la pensée, mais, aussi, qu'elle vise à transformer l'être qui pense pour faire acte des modifications irréversibles qu'elle pose dans le sujet.1

La prime jeunesse de la pensée philosophique s'identifie à sa genèse dans le processus questionnant, homologuant la curiosité critique du philosophe à la recherche appliquée et insatiable de l'enfant procédant par la voie interrogative dans son souci grave du monde et du réel qui le supporte. Aussi, l'enfant serait un philosophe naturel, ou, la thèse se réciproquant dans les sujets et leurs attributs, le philosophe serait un grand enfant, un peu naïf, adolescent, rebelle et immature, n'affrontant les choses que dans l'utopie de la pensée "abstraite" et dans l'inaction de la "contemplation" se mettant à l'écart de la prose du monde.2 Ce lieu commun de la critique de la philosophie par ses détracteurs, ou, ses ayants droits3, s'ancre dans une misologie construite par des opinions et des visions du monde identifiant la pensée philosophique à une construction mytho-formelle coupée de tout rapport concret direct avec les pratiques réelles des hommes.

La critique marxienne de la philosophie, taxant l'idéalisme d'une superstructure visant, telle la religion, ou le droit, à masquer les contradictions et les conflits réels, comme la critique psychanalytique dénonçant les prétentions des puissances de la pensée dans son action sur le réel, tout aussi bien les "philosophies" post-modernes de la déconstruction, du pragmatisme anglo-saxon, visant à montrer l'inanité et la vacuité de la métaphysique, se retrouvent toutes sur le plan de la mise à l'écart de la discipline par des qualificatifs de minorations : la philosophie serait disqualifiée du fait de son immaturité, de son impuissance, de sa fragilité, de son manque de sérieux, de sa frivolité, l'apparentant à une production enfantine, infantile4, propre à séduire les enfants, plus que les adultes avertis des affres complexes de la dure réalité.

Qu'en est-il de cette topique ? Peut-on assimiler indûment l'acte philosophique à un moment de la croissance de la raison dans l'histoire, pour parler comme Hegel ? Que connaît-on de l'enfance pour aussi vite la réduire à des termes négatifs et assimiler les attributs supposés de l'enfance et les puissances vaines de la philosophie ? N'y a-t-il pas là en jeu une théorie des pouvoirs et des puissances respectives de l'enfance et de la philosophie qui dessinerait une politique de l'enfant dans la philosophie, tout aussi bien qu'une politique de l'enfance, pour elle, dans le projet de la philosophie ?5

Par ailleurs, "on" dit souvent que les images et les contes, comme les comptines et les fables, sont l'apanage des enfants et de l'enfance. Quels statuts donner alors au mythe, au plaisir de la représentation duquel Aristote tire le plaisir pris à connaître et à regarder les drames tragiques ? Comment croire que le plaisir ne soit qu'un moment pédagogique de l'enfance alors que de solides systèmes se sont bâtis sur lui et ses finalités sériées (stoïcisme impérial, épicurisme, hédonisme cyrénaïque, matérialisme enchanté, et, plus près de nous, l'utilitarisme et l'eudémonisme de J. Rawls, entre autres )? D'où vient le privilège épistémologique et pédagogique donné à l'enfance, comme moment de la vie ? D'où vient qu'on le nie pour l'adulte mûr et "sorti" de l'enfance, comme si on en sortait comme d'un lieu ou d'un espace pour se retirer en un autre lieu définitivement séparé du précédent ? Quelles sont les compétences de l'enfance pour être à ce point corrélée avec le couple plaisir/représentation ? Comment le plaisir peut-il produire la connaissance et les apprentissages ? Et, surtout, que devient ce plaisir mimétique dans la recherche spéculative et contemplative de la maturité ?

Analyser ces questions, tenter d'y répondre, ou de poser les fondements de leur légitimité, cela pourrait permettre de comprendre en quoi politique et philosophie sont liées dans l'enfance, par la recherche du lieu et lien communs, et, en quoi les représentations sont tout à la fois, souvent indistinctement, épistémologiques, sources et objets de savoir, et artistiques, dispensatrices de plaisirs et de formation au jugement de goût. Notre hypothèse étant que la science et l'art s'oublient réciproquement dans la politique définissant l'enfance comme un moment anthropologique, et non pas un état d'impuissance biologique, cognitif, juridique6.

Poser la question de la nature de l'enfance n'est pas nécessairement rechercher un fondement phénoménologique (origine, fondement, cause, but, etc.) aux catégories métaphysiques imposant à la raison philosophique ses logiques et ses sémantiques propres. Ce n'est pas aussi rechercher les nouvelles rationalités qui devront être le mythe de la vie future des hommes vivant sur Terre et dans l'Univers sans les fictions théologiques et herméneutiques dessinant son parcours anthropologique dans son humanisation progressive vers une invention autonome de son essence. Encore moins s'aventurer vers une fiction d'un Homme nouveau, d'un surhomme à inventer pour dépasser un nihilisme généralisé. Sans escompter un retour traditionnel révolutionnaire vers une antique et dépassée vision de l'enfance, plus rêvée et fantasmée que connue et vécue, même s'il s'avère difficile de se passer de certains détours par les voies des traces7 historiques déposées dans les carrefours des grands textes de la philosophie. Grand voulant dire ici justement ce qui a rapport avec notre intimité authentique, et qui ne relève pas de la psychologie, fût-elle des profondeurs ou analytique.

Il s'agit de regarder les regards sur l'enfant et l'enfance de façon presque détachée, en récusant les innocences faussement ingénues de la mise entre parenthèses ou les savoirs dogmatiques des thérapeutes-pédagogues fixant les devenirs de l'enfance dans les stades, les moments, les limites, les complexes, quand ce ne sont pas les structures, pour mieux en faire une chose ou un objet sur lequel on peut appliquer toutes les fantastiques architectures des connaissances et des pratiques pour mieux le définir, le désactiver. L'enfance devient alors le prétexte de toutes les amours innommées : savants, professeurs, pédagogues, médecins, ingénieurs, urbanistes, policiers, architectes, artistes, font tous les politiques de l'enfance la plus appropriée à leur pédo-philie positive. Un exemple : aujourd'hui, chacun vante les désastres de l'enfant-roi, nouveau Narcisse tout-puissant, alibi des consumérismes les plus intensifs, et, dit-on, entrant dans une phase tyrannique de domination par une disparition des Pères et de leur Loi, alors qu'en fait l'enfance devient le faire-valoir de chantages commerciaux du marché sur les puissances des familles. Jouant sur les coulpes parentales de la désaffiliation, des familles éclatées, les enfants, souvent, ne font l'objet que d'attention éducative très partielle, du fait de l'absence de conscience de la transmission générationnelle (phénomène d' "adulescentisme", visible dans les modes vestimentaires "métrosexuelles" et les identifications jeunistes propices à faire oublier les difficiles tâches de l'éducation). Il n'est pas certain que l'amour des enfants se fasse dans leur instrumentalisation au profit d'une société marchande et par l'aliénation angoissante d'adultes refusant les stigmates déplaisant de la vieillesse, avec ce qu'elle comporte de faiblesse et d'abandon pour une époque où l'hygiénisme sécuritaire et le jeunisme productiviste sont les normes sociales d'usage.

Penser l'enfance, c'est donc savoir ce qu'elle oblige à voir et à regarder, dans le déplaisir et l'impossible de notre réelle condition. C'est pourquoi, outre les caractéristiques remarquables de leur affinité élective pour l'étonnement face au réel, le questionnement sur le sens des phénomènes, la recherche des causes premières et finales dans le Monde, l'acte critique a-moral sur les pratiques humaines et animales, le sérieux dans l'investigation spéculative, l'absence de prévention et de préjugés théoriques sur la définition de la vérité, et ceci pour des raisons bien sûr non similaires ou identiques, philosopher sur ce qu'est l'enfance dans notre monde complexe qui n'est plus celui de la tradition et de l'autorité indiscutable des anciens, des maiores, revient aussi à analyser les résistances et les regains dans et hors la philosophie.

Enfance et philosophie

À plus d'un titre, la philosophie a à voir, à faire, à dire, à penser, avec l'enfance. D'abord, parce que, comme elle, l'enfance est associée à l'ingénuité et aux origines de l'être, de la vie, de ce qui est soumis à la physique8 du devenir, partant, ce qui nécessite maturation et amélioration dans la logique de l'expérience accumulée conjointe à la réflexion critique cumulative9. Le caractère inchoatif de la démarche heuristique, propre au questionnement philosophique premier, à la fois par ses logiques critiques et ses causes historiques, s'apparente à la démarche "métaphysique" de l'enfant entrant dans l'énigme du monde par la libidosciendi10, afin de se libérer de l'angoisse et de l'impotence caractéristique de l'impuissance infantile. On sait mieux que cette impuissance n'est que le rapport normé, et, ethnocentré toujours, à une objectivité mesurée par un idéal objectivé de la raison anonyme et toute-puissante sur la perception ; de la prose du monde, pour faire écho à M. Merleau-Ponty, qui avait vu déjà les erreurs de jugement sur les dessins d'enfant jaugés à l'aune de la planimétrie considéré comme l'horizon naturel du percevoir et de l'être11, il faut s'abstraire pour se tourner vers le sens avant le sens qui est porté par notre situation et notre histoire dans le monde et le corps historié de celui-ci. L'enfance invente et dispose de cet état d'ouverture qui lui donne une posture de vérité, en tant qu'elle est dévoilement et ouverture à la richesse du réel, et non pas identification et assignation formelle à un type logique ou ontologique de discours.

Mais la fragilité et l'inexpérience de l'enfance l'indisposent à l'activité philosophique, dit-on, du fait d'une impéritie technique (compétences cognitivo-linguistiques réduites, autonomie critique du jugement limitée, immaturation dans la capacité logique, historique, gnoséologique inachevée ou par trop déficiente, etc.) : certains anti-philosophes se réclament même de l'enfance pour contrer le champ classique, universitaire de la discipline, afin de la ramener à un état de "sauvagerie" ou de liberté pareille à l'innocence de l'état premier de l'homme jeté dans l'existence. D'un côté, donc, la revendication de l'effraction poétique et métaphysique du questionnement enfantin ; de l'autre, l'infériorisation ou la minorisation de l'enfance pour opposer une anti-philosophie se voulant différente, opposée, en scission polémique avec une métaphysique de la raison dogmatique, idéaliste, issue de la tradition théologique et scolastique. Ce paradoxe se transforme en contradiction, si ce n'est en aporie, quand il s'agit de caractériser les puissances de l'enfance, et les potentialités de l'enfant : il est le lieu de la régénération de l'humanité et son emblème de pureté authentique12 comme il peut signifier le pervers polymorphe, sadique, animal, primitif indomptable dont il faut régler la conduite de façon médicale ou punitive13.

Cela se retrouve dans la définition de l'acte philosophique : comme le remarquait Descartes, dans l'ironie du bon sens partagé par tous, ou Hegel en sa critique du sens commun, chacun se croit naturellement philosophe, et, aussi, tous se plaignent de la complexité technique de la pratique philosophique, abstruse, et difficile dans ses formes et contenus. Ce qui se traduit par un double langage sur l'enfant dans son rapport à la philosophie : nécessaire, pédagogiquement, comme formatrice de la raison logique et critique, elle peut nuire et gâter l'esprit si elle est pratiquée trop longtemps, car elle écarte du réel et rend l'âme, l'intelligence, l'esprit, la volonté, peu pratique et accaparée par des billevesées. Là encore, on trouve tout cela exprimé dans les critiques platoniciennes : Calliclès, Alcibiade, les sophistes, contre les titillations de la dialectique socratique empêchant de vivre le désir de façon irréfléchie et spontanée. De là un certain nombre de questions que nous posons de façon lemmatique :

Pourquoi le destin de la philosophie est-il à ce point lié à celui de l'enfance ?

Pourquoi les critiques de l'activité philosophique se font toujours au nom d'un réalisme (celui de la pragmatique sociale et politique du rapport à l'autre et à la puissance) et d'un recours à la "nature des choses", qui ne peuvent se faire que dans le cadre d'une anti-philosophie par essence philosophique ?14

Pourquoi la philosophie pour l'enfant fait-elle encore problème de nos jours, malgré les expérimentations, les publications, les demandes, les sollicitations institutionnelles et privées ?

Que signifie l'enfance pour les tenants dogmatiques d'un refus de la philosophie pour, dans, avec, l'Ecole (le Collège, les classes non terminales et professionnelles des Lycées, les études supérieures non philosophiques) pour que la philosophie soit "pensée" comme inutile et incertaine par ceux qui en critiquent les valeurs anthropofactrices15?

On peut partir d'un double constat : la résistance à l'acte philosophique, à l'intérieur du système scolaire, et, à l'extérieur, chez les acteurs de l'éducation, d'une part, et, d'autre part, la demande de sens qui traverse les renouveaux des pratiques sociales de la philosophie, s'accompagnant de relectures, souvent discutables, de tels ou tels philosophèmes ou de tels systèmes d'idées censés éclairer notre actualité16. Ces "résistances" ou ces engouements traduisent, en effet, une curiosité vis-à-vis de la discipline qui reste obscure ou survalorisée pour beaucoup d'anciens lycéens, du fait de l'éphémère de la pratique de celle-ci dans le système scolaire français. Elle demeure une discipline réputée difficile, élitiste, exigeante, ou totalement méconnue pour ceux qui n'ont pas suivi les filières classiques de formation dans les établissement d'éducation autorisés par l'Etat.

Un sondage constant auprès des acteurs de l'Éducation Nationale (professeurs des collèges et des lycées, toutes disciplines confondues, Inspecteurs pédagogiques régionaux et généraux, parents d'élèves, médias généralistes) révèle le besoin de philosophie et l'absence certaine de ce qu'est la pratique théorique des philosophes, confondue avec l'exercice de la réflexion, du jugement de goût, de la logique ou, pire, d'une rhétorique spécifique liée à des contenus et objets pré-définis par un programme ou des items objectivés par des instances de reconnaissance officielle ou officieuse (Universités, célébrités, "peopolisation" des compétences et confusion des domaines17). Il ne s'agit certes pas de fustiger telle ou telle opinion ou de juger de la validité ou de la légitimité des représentations sur les catégories ou les opinions cadrant les nouvelles pratiques de philosophie ici ou là. Mais, bien plutôt, de faire un travail critique de mise à jour des pensées sur l'enfance, la philosophie, dans le surgissement de ces demandes de philosophie émanées de la société civile, dans un cadre à inventer, ou à préciser, afin de repérer les questions philosophiques et les enjeux soulevés par ces pratiques plus ou moins sauvages, qui semblent se généraliser pour intéresser l'Unesco, les collectivités territoriales, les professeurs des écoles, les pouvoirs publics et une partie des citoyens18.

Cela, bien sûr, suppose de porter son attention sur des objets nouveaux, inédits, des champs, non encore nobles, au sens épistémologique de la distinction, des pratiques. Et, en effet, pour ne se porter que sur ce dernier atelier de prospection, il est clair que les nouvelles pratiques de philosophie, intéressent les nations et les Etats19 pour des raisons de nouveau contrat social, comme de régulation du sens dans l'économie-monde globalisée. Il est, par contre, moins clair, que les blocages se fassent dans les instances censées favoriser les enseignements des idées, concepts, problèmes, systèmes, histoires de la philosophie. Peut-être parce que la politique des philosophes consiste à ne pas entrer dans le présent de l'époque, après les échecs des systèmes politiques fondés ou dirigés, selon le vœu platonicien du roi-philosophe, sur les visées métadoxiques des penseurs20. Ou parce que nous sommes entrés dans une phase de bouleversement total des cartographies des savoirs et des politiques de l'être, qui donnent à l'époque l'allure de la résignation passive, quand ce n'est pas de la peur ou de l'angoisse face à l'avenir incertain et relativement imprévisible. Que la crise soit l'élément essentiel dans lequel la pensée baigne depuis son éveil n'est pas pour déplaire aux professionnels de la "critique", en tant que celle-ci est exercice du jugement et de la réflexion appliquée aux choses de la vie. Penserait-on encore si nous vivions dans un confort permanent et une absence de troubles et d'apories ? La recherche et l'activité de pensée n'ont de sens que dans un contexte de dissensus, de crise, de conflit, de heurt, de bris des évidences, de doute, d'angoisse, de perte de sens, d'ignorance savante des voies qui mènent aux vérités et aux libertés les plus lucides, les plus difficiles, les moins reconnues.

Brève conclusion en forme de questions pour les politiques des philosophies à venir

Notre époque, non pas pire ni meilleure qu'une autre, demande à ce qu'on pense les traditions philosophiques dans les impacts sociaux qu'elles ont produits et dans les nouvelles valeurs de vie et de savoir qui sont sienne. Les nouveaux publics de l'activité philosophique, et ses nouvelles pratiques (débats publics, cafés "philo", Universités populaires, étudiants en médecine ou lycéens des filières professionnelles, éducateurs et travailleurs sociaux, professionnels de la santé, etc.) ne sont pas suffisamment pris en compte par les autorités de tutelle, pour des raisons difficilement explicables en termes scientifiques. En effet, d'autres disciplines trouvent droit de cité dans l'Ecole, par exemple, comme l'économie ou l'éducation civique. La philosophie porte en elle une charge d'enfance, au sens où elle ne s'insère pas facilement dans une société dont les valeurs relèvent de la productivité matérielle ou de l'efficace du rendement immédiat. Il est vrai que c'est une activité spéculative, discursive, qui réclame temps, énergie, loisir, disponibilité, dans un monde avare du superflu et qui ne tolère plus les décalages avec les buts d'une globalisation commerciale.

Pourtant, les bienfaits des discours, les formations critiques des jugements des hommes, les diffusions des savoirs et les interrogations averties des penseurs, facilitent les relations raisonnables et raisonnées entre les individus, les peuples, les cultures, et, permettent un travail sur soi, assez similaire et plus efficace que les "psys" dont l'unique champ demeure thérapeutique et clinique. Philosopher, comme l'ont remarqué de tous temps les philosophes les plus opposés dans leur axiomatique, apaise, rend doux et amoindrit les excès coûteux de toute sorte. Une société ne peut se passer de réfléchir à son destin, son horizon, ses buts et projets, son devenir sous peine de se condamner à court terme à une amnésie d'inertie et à une mort de soi liée à l'absence de sens et de mémoire des sens lui conférant son principe moteur.

Si l'enfance est le moment de l'étonnement et de la question, c'est parce que dans l'enfance l'animal humain s'humanise par un travail sur soi par l'irruption du concept dans la vie sensible immédiate. L'enfance porte donc en soi l'humain et l'humanité dans son processus d'humanisation réelle et concrète. C'est donc un moment non négligeable dans l'éducation du genre humain et qui fait signe vers une particularité anthropologique : la pensée, et ses puissances, prennent leur appui dans ce socle enfantin par où le langage, la logique, le penser, tirent leur fondement avant même que les savoirs ne soient constitués. C'est pour cela que le moment philosophique inaugurateur, intimement premier et constamment repris dans l'acte philosophique, comporte toujours un air d'enfance. Que cette enfance là ne soit pas celle, infantile et infantilisante, de la régression ou de l'impuissance des facultés, se révèle dans le fait que la "sagesse" philosophique ne se situe pas uniquement et principalement dans le champ positif des sciences, des connaissances, des savoirs réglés par des assurances dogmatiques et codifiés dans des systèmes plus ou moins abscons. L'enfance de l'apprentissage du philosophe, ou plutôt, la philosophie en tant que discipline d'apprentissage de l'humanisation par les recherches des vérités et les questions les inventant comme à créer dans le voisinage de la sortie hors de soi21, présuppose donc à la fois un futur de la transmission et une présence forte du passé à réévaluer pour qu'il soit encore le passé de notre présent. C'est parce que l'enfance opère ce principe de vérification des savoirs et des apories que l'enfance reste en nous ce qui témoigne de l'énigme de notre provenance et de l'angoisse de notre destin. L'humain est cette énigme à transmettre, cette interrogation non soumise à naissance ou à dépérissement, parce que liée à cette demande et recherche de liberté par la question de la saisie du sens des choses. Devenir humain pour l'être humain demeure une tâche et une aporie à laquelle tous les hommes ne peuvent échapper ; non-philosophes et philosophes se confrontent à la question de l'enfance, ne serait-ce que dans leur propre enfance, et, plus tard, quand ils pensent l'espace historique et politique du sens de leur praxis. Qu'on puisse oublier le propre de son enfance demeure aussi énigmatique que l'oubli de l'enfance comme devenir humain de l'homme. Mais cet oubli n'est pas anti-mémoriel, car il met en danger l'invention de la liberté comme projet de vie politique entre les hommes portant en eux, qu'ils le sachent, le veulent ou non, les mystères et les clartés irréfutables des questions par lesquelles le monde devient habitable et éthiquement vivable pour le projet humain de fraternité communielle. C'est peu dire que le caractère inchoatif de l'enfance appelle une pratique différenciée et ouverte de la philosophie. L'enfance prenant alors la charge tragique de notre avenir le plus incertain et le plus assumé à la fois. Cela ne peut se faire que si l'on ne confond plus le propre de son enfance avec la propriété inassignable de l'enfance comme chemin vers la maturité. La politique qui prend en compte cette philosophie inchoative de l'enfance s'autorise alors l'invention de soi pour l'autre, ou encore, la vie avec l'autre en soi.


(1) Il faut ajouter à ce vertige transformateur le fait que l'apparaître de la pensée à elle-même dans l'acte philosophique peut (doit ?) aussi faire l'objet d'une réflexion sur les conditions de son apparaître. Ce qui fait de la pensée une éthique et un souci de soi qui devient une politique de la réflexivité.

(2) De Platon, par la voix de Calliclès dans le Gorgias, à Hegel, dans la critique que fait le bon sens immédiat au travail du concept, dans la Préface de la Phénoménologie de l'Esprit, la disqualification de la philosophie par l'argument de son infantilisme, et, ceci, à l'intérieur comme à l'extérieur du logosphilosophicos, a toujours été une topique rémanente. Analyser les conditions de l'invalidation de l'enfance par le non- philosophique, ou de la philosophie par une méconnaissance de l'enfance, est un des ressorts de cette contribution à l'Unesco dans le cadre de la Journée mondiale de la philosophie, et des nouvelles pratiques philosophiques indiquant les vacillements de ces présupposés et de ces pré-jugements.

(3) Cf. le livre actuel de Jacques Bouveresse, Le Philosophe chez les autophages, éd. de Minuit, Paris, 1984.

(4) Le glissement sophistique de l'enfance à l'enfant, et, de l'enfance à l'infantile, permet de parler par la suite de l'infantilisme comme "philosophie" de l'infantile, et, ainsi, de faire croire à une théorie de l'infantile qu'on n'a jamais élaboré ou exposé de façon systématique. Le racisme paidophobique se manifeste par cette absence de raisons fondatrices autres que l'énoncé normatif et excluant, ayant valeur de vérité et d'ordre dans le discours.

(5) Dans L'oubli de la philosophie, Galilée, Paris, 1986, Jean-Luc Nancy mentionne les destinataires de la philosophie sans préciser quels ils seraient (lire pp.61-62) ; la communication du sens du Sens (sic) serait l'histoire achevé de l'événement insensé ouvert à la passivité de sa ressaisie. C'est ainsi le sens qu'il donne à l'étonnement comme exposition du nous humain (p.99) ; mais il ne précise jamais qui est ce "nous" abstrait, métaphysique, qui oublie le genre, le nombre, le lieu, l'espace, le corps propre du sujet. La page 102 répète un heideggerianisme fade et vidé de sa charge existentiale : "Il n'y a pas le nous, comme il peut y avoir le langage, le politique ou la passion. Il n'y a que nous : c'est la chose à découvert, l'être sans subjectivité, l'homme fini, et la provenance insignifiable du sens."

(6) Notre projet d'étude de l'enfance comme "mémoire d'avenir" prend forme dans un travail à l'EPHE sur les rapports entre politique et vérité.

(7) Au sens où Ricœur parle de la trace comme ce qui permet de faire le lien entre deux significations cherchant leur langage, ou ce qui donne sens à ce qu'on recherche de manière discontinue en supposant la trame d'un lien associatif discret. Ici, l'idée que Platon est notre contemporain, plus actuel que certains "penseurs" en vogue, peut faire trace avec l'idée archéologique et généalogique foucaldienne.

(8) La phusis des grecs signifie précisément ce qui croît, devient, dégénère, et meurt, étant soumis aux mouvements divers et donc à la destruction (phtora). Cf. Aristote, Physique, 4.

(9) La pédagogie s'applique autant au concept en formation, en processus et procès apagogique et didactique, qu'à l'enfant, futur citoyen, soumis à la discussion, dans l'espace public, des vérités et des savoirs (l'agora permet la kategoria, le commun dispose à la définition formelle ontologique) pour autorisation et validation. L'espace de la discussion présuppose la présence des logoï et des anthropoï, comme le temps romain suppose la fondation historique de la ville (urbs) et l'autorité de la religion patrimoniale attestant des bons liens et des vraies origines. On lira avec profit M. Revault d'Allonnes, Le pouvoir des commencements. Essai sur l'autorité, éd. Du Seuil, "La couleur des idées", Paris, 2006, et spécialement les pages de la première partie, pp. 37-66. Avec cette nuance aristotélicienne, rappelée par Hanna Arendt, in "Qu'est-ce que l'autorité ?", Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, Paris, 1983, que la pédagogie n'est pas de l'ordre de l'éducation civique : "Car l'activité politique commence précisément quand l'éducation est achevée. En matière d'éducation, l'autorité des adultes s'exerce sur des êtres en devenir - devenir des égaux potentiels certes -, mais la politique ne se propose en aucun cas d' "éduquer" les adultes comme s'il s'agissait de les faire accéder à la maturité." M. Revault d'Allonnes, op.cit., p.61.

(10 ) Cette libidosciendi ne méconnaît pas toutefois, comme le rappelle Foucault à la suite de Nietzsche, les volontés d'ordre et de maîtrise du discours. Freud rappelle que le sexe et la mort sont liés dans cette pulsion intriquée qu'est la sublimation par la théorie de ce qui se joue dans l'instinct pour l'homme de son retour à l'inorganique. Les formes du savoir sont aussi des réalités de pouvoir et de puissance. On relira Michel Foucault, L'Archéologie du savoir, Gallimard, Paris, 1969, pour les logiques d'entre-expressions des registres.

(11 ) M. Merleau-Ponty, "L'expression et le dessin enfantin" inLa prose du monde, Gallimard, Tel, Paris, 1969. L'auteur parle d'appliquer au temps et au langage, et non seulement à l'espace, les opérations poétiques d'invention enfantine qui nous conduisent "à la substance secrète de l'objet" (Id.., p. 209). L'enfance témoigne de l'être et n'en donne pas uniquement des renseignements.(Id., p. 208).

(12 ) La topique de la véracité enfantine et de l'amour de celle-ci pouvant s'accompagner d'une haine de l'enfant et une déconsidération tout aussi enthousiaste et immédiate de leur personne comme le révèle certaines affaires de pédophilie et de validité des témoignages juridiques. L'enfant devenant le prétexte psychique, social, économique, de la re-narcissisation et de la dé-réalisation de projets de vie pour lui ne prenant pas en compte son être même. L'affaire de l'Arche de Zoé montrant les ambiguïtés d'un souci humanitaire à destination du salut des enfances maltraitées, camouflant une vente négociée de vivants, sans considération ni de leur existence et de leur destin humain.

(13 ) On lira Freud, Trois essais sur la théorie de la sexualité, 1905, Gallimard, "Folio", 1989, et, Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, Paris, 1975, entre autres productions théoriques, pour apprécier les destins et les discours sur les variables pathétiques et politiques des visions de l'enfance corrélées à celles de rationalités techniques et scientifiques.

(14 ) Il faut distinguer la misologie anti-philosophique qui récuse toute philosophie possible, et l'anti-philosophie comme renouveau ou philosophie en acte, coupant avec un type de penser dogmatico-métaphysique. On lira pour l'oubli de cette distinction et de la philosophie comme présence au sens, le livre suggestif, éminemment critiquable, et déjà cité, de Jean-Luc Nancy, L'oubli de la philosophie, Galilée, Paris, 1986.

(15 ) Lire notre travail, Salim Mokaddem, "La philosophie comme anthropologie historique" inTrema, n°24, octobre 2005, Montpellier, et, dans le même ordre d'idée, on peut consulter sur la plate-forme numérique de l'Iufm de Montpellier, Salim Mokaddem, Les enjeux de l'éducation, septembre 2007.

(16 ) La demande de philosophie s'explique aussi, en grande partie, par un déclin des pratiques confessionnelles, une désertion des grands récits métaphysiques sur le sens de l'histoire, les désarrois de l'homme dans une société individualiste qui le laisse morcelé, offert au marché hyperlibéral globalisé, et, aussi, à des intérêts commerciaux non négligeables en termes de produits mis en vente (cd, livres de poches, revues, conférences, émissions diverses, avec leur sponsoring publicitaire, etc.). Le président N. Sarkozy a su profiter de cette manne pour donner un entretien à un magazine de "philo", flanqué d'un hédoniste anarchiste, très en vogue dans les médias, et porté par un succès éditorial très supporté par la communication et les besoins de croyance des classes moyennes en perte de repères historiques et critiques. Les procédés de promotion éditoriale, télévisuelle, communicationnnelle et politique furent identiques à ceux ayant permis le lancement de la "nouvelle philosophie", jusqu'à l'effondrement du mur de Berlin et les nouveaux fétiches de la doxa.

(17 ) A titre tout à fait personnel, il m'a été rétorqué par une secrétaire chargée de l'organisation administrative et technique de l'accueil des participants, dans le cadre d'un Colloque médico-thérapeutique portant sur l'Ethique dans le champ du travail social, alors que je déclinais mes fonctions professionnelles, cette réplique ingénue digne d'une sotie gidienne : "Vous êtes philosophe ! Je croyais qu'ils avaient disparu avec les alchimistes !". Outre le fait que les philosophes sont peu visibles ailleurs que dans leur champ propre, cela montre les mondes qui séparent les activités socio-professionnelles dans nos sociétés en miettes, et les galaxies épistémologiques qui délimitent les territoires cloisonnées des consciences et des savoirs dans les pratiques sociales des compétences culturelles.

(18 ) Le phénomène des "Cafés philo", la création de la revue "Philo Mag", l'intérêt des pratiques philosophiques à l'Ecole et dans les lieux où elle n'a pas droit de cité habituellement, font trace de cette demande et de ce désir de sens dont nous parlions plus haut.

(19 ) Il serait ici pertinent de faire les différences adéquates entre les besoins de sens et de critique philosophique émanés des sociétés civiles, et, plus pragmatiques, les solutions, souvent idéologiques, données par les Etats par le biais d'aides à la "pop'philosophie", se manifestant surtout dans les subventions à certains organismes, autoproclamés trop vite "populaires", afin de prendre en charge des conflits et des crises relevant les démissions, les absences, quand ce ne sont pas les incompétences des élites gouvernantes. Ce risque de la "philosophie populaire" n'est pas nouveau ; on peut se demander pourquoi Rome autorisa, sous l'Empire, certaines écoles de pensées (et par contre, en ferma d'autres, moins résignées face au Fatum de la pax romana). Ou, plus proche, pourquoi le Collège international de philosophie, à Paris, fut le lieu de la reconnaissance de la mort de certaines philosophies (par qui, comment, pourquoi ? cela reste à étudier encore) et le renouveau d'autres, plus en prise avec les modes post-modernes. Etudier l'enfance dans la philosophie suppose des programmes de recherche, des moyens, des lieux, que nous n'avons pas ; hormis ce qui se passe en ce moment sous l'impulsion de quelques pédagogues honnêtes, on ne peut pas dire que les philosophes professionnels y mettent du leur dans l'ouverture des chantiers indiqués. Pour notre part, nous avons abandonné l'idée de proposer des directions de programme devant les formes élaborées de la censure opérée par les organismes agréés par les hominiacademici. La pensée unique, comme le remarquent très bien les penseurs de cette pensée (qui passent leur temps à la critiquer au lieu de produire le temps nouveau d'un dépassement de la répétition adornienne de la litanie malheureuse de la conscience déchirée), consiste justement à dire qu'il y a de la pensée unique, performatif sémiotique et sémantique de leur unique pensée.

(20 ) Qu'on pense à Marx et son utilisation abusive dans le "marxisme" révolutionnaire contemporain, ou encore, aux enthousiasmes, pas toujours aussi généreux, de Heidegger commis jusqu'au cou avec la "pensée" nazie. Même s'il est abusif de donner aux philosophes une responsabilité causale directe dans les catastrophes du totalitarisme, on peut à juste titre remarquer que les mauvaises réputations qui la concernent aujourd'hui viennent de son aura prétentieuse et, pour le dire en termes kantiens, de ses délires systématisées sur la meilleure façon de conduire les hommes et de faire de l'art de les gouverner l'objet d'une science. Laisser aux sciences quantitatives les moyens et les pouvoirs pour y parvenir nous apparaît encore plus catastrophique du fait de l'absence d'humanisme réel dans les rationalités positives des pratiques se faisant sans recours au sujet. De fait, le sujet de la science est assimilé à un savoir sans procès autre que celui des connaissances sans mention des facteurs, des personnes la faisant. Le fantôme dans la machine n'est pas moins dangereux que le métaphysicien qui outrepasse les limites du possible en voulant faire coïncider le réel et l'idéal. L'irréflexion constitutive de l'un l'empêche de faire marche arrière, d'évaluer de façon critique les conséquences de son travail, et surtout de penser ailleurs que dans l'ordre anonymé des savoirs et des raisons sans faille.

(21 ) Cette ek-stase ne voulant ici dire rien d'autre que d'avoir à faire son chemin dans la vie ailleurs que dans l'instinct, toujours déficitaire sur les questions de la survie pour l'homme de l'homme, pour parler comme Rousseau. L'instinct de survie ne suffit plus pour que le genre humain se sustente en s'en remettant totalement à lui. Et l'histoire de l'éducation de l'homme, ainsi que l'étude des variations qui composent les pratiques culturelles, révèlent en effet que les cultures portent les politiques comme les civilisations les peuples, malgré ce qui se dit aujourd'hui sur les "politiques de civilisation" qui sont les alibis du coup d'Etat permanent sur les faibles, qui n'en peuvent mais face aux bombes et aux pouvoirs des "civilisés". Vieux mot d'ordre des colons venus civiliser les indigènes et leur apprendre à se taire et à acclamer leur spoliation totale.