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- Apprendre à philosopher en discutant : pourquoi ? Comment ?

Sous la direction de Michel Tozzi, De Boeck, Bruxelles, 2007, 200 p.

L'ouvrage est la reprise des communications au symposium du REF (Réseau d'éducation francophone), tenu à l'université Montpellier 3 en septembre 2005. Il pose la question de l'apprentissage par les enfants et les adolescents, plus généralement par les adultes, d'une réflexion visant à " penser par soi-même " par la discussion.

L'originalité de l'ouvrage est double :

- montrer que c'est possible, et même souhaitable, d'apprendre à philosopher aux enfants et aux adolescents, pour les aider à " grandir en humanité " en tant qu'homme, et éduquer les élèves à une " citoyenneté réflexive " ;

- développer l'idée que cet entraînement à une pensée rigoureuse peut se faire par la discussion, et pas forcément par des cours, l'étude de grands textes ou la rédaction de dissertations, dès lors qu'on constitue le groupe-classe en " communauté de recherche " (Lipman), avec une " éthique discussionnelle " (Habermas), et qu'il y a vigilance intellectuelle de l'animateur pour garantir une " visée philosophique " des échanges.

- "  Vers une reconfiguration de l'autorité éducative. L'exemple de l'autorité dans une discussion à visée philosophique ". Un article de Michel Tozzi dans le numéro 22 des Cahiers du CERFEE (Université Montpellier 3, 2007) qu'il a coordonné sur Autorité et socilisation démocratique (13 euros).

L'article fait la synthèse du symposium qui s'est tenu à l'Université Montpellier 3 en septembre 2006, qui avait pour objectif d'étudier, face à la crise d'autorité sociétale et scolaire actuelle, comment s'esquisse, à travers le développement de nouvelles pratiques philosophiques de type discussionnel, une reconfiguration de l'autorité éducative, dans la perspective d'un rapport plus coopératif à la loi, par ses dispositifs démocratiques, et un rapport moins dogmatique au savoir, par la culture du questionnement.

- M. Piquemal, auteur bien connu de livres pour la jeunesse, et directeur de plusieurs collections chez A. Michel1, vient de publier chez Retz (2007) de Petites pièces philosophiques pour les enfants de 8-12 ans. Le théâtre avait été jusqu'à présent peu mobilisé pour une pensée à visée philosophique avec les élèves, alors que les idées peuvent être mises dans la classe pas seulement en discussions orales, mais en voix, en gestes, en corps, de façon jubilatoire, ce qui rend complémentaires plusieurs voies (voix) pour la réflexion. M. Piquemal, à travers la mise en scène de personnages comme le rusé renard, Nasreddine, Narcisse ou Alice, aborde avec profondeur et humour de grandes questions que se posent les enfants : " Doit-on penser à soi avant les autres ? " ; " Faut-il se laisser décourager par les critiques ? " ; " Peut-on toujours faire comme on a envie ? " ; " Faut-il se méfier de ce qui est étranger " ? ; " L'imagination dans notre vie " etc. Chaque saynète est précédée d'un " Philosophons ! ", qui nous introduit à des problématiques sur la liberté, la sagesse, la tolérance, autrui, les valeurs, les opinions, la foule, les apparences, le mensonge, le pouvoir, la justice, l'ego, grandir etc.

- Débattre - Pratiques scolaires et démarches éducatives, Pierre Billouet (Coord.), L'Harmattan, 2007, 363 pages.

Voilà un ouvrage de synthèse passionnant sur le sens et la pertinence du dispositif du débat à l'école. Celui-ci émarge désormais dans les programmes scolaires à tous les niveaux et dans toutes les disciplines, en classe et dans la vie scolaire. Il prend tout son sens dans une perspective : démocratique (pas de démocratie sans débat dans l'espace public et donc sans son apprentissage à l'école) ; mais aussi dans une perspective socioconstructiviste de l'apprentissage, où il permet d'apprendre, notamment par des conflits sociocognitifs entre élèves.

L. Husson définit d'abord dans cet ouvrage le contexte institutionnel de l'émergence du débat et ses différentes modalités scolaires : un tableau récapitulatif (pp. 64 et 65) montre ainsi clairement les spécificités du débat de régulation, du débat scientifique, du débat d'interprétation et du débat réflexif. Ceci sur un arrière fond politique (le débat public en héritage) et philosophique (de Platon aux philosophies contemporaines du langage, notamment Apple et Habermas).

J.-M. Lamarre ouvre ensuite de fructueuses perspectives pédagogiques : le débat de régulation et de décision dans le cadre de l'éducation civique à l'école implique, dans un contexte républicain et de laïcité, la référence à des valeurs, principes et règles du vivre ensemble et pose le problème de leur articulation. Nous sommes ici dans un espace complexe, entre éducation civique et philosophie. P. Billouet aborde la question, délicate en France (au contraire par exemple de la Belgique), de l'éducation morale. A. Touzeau, la seule non philosophe, spécialiste de la littérature de jeunesse, montre la nouveauté et l'intérêt du débat interprétatif en français, pouvant avec profit déboucher sur un débat réflexif.

L'ensemble est roboratif. On sent cependant dans le propos général la difficulté à articuler la nécessité du débat, clairement affirmée dans l'ouvrage, qui donne un statut démocratique à la parole des jeunes, avec un courant philosophique plutôt républicain : " Débattre à l'école est paradoxal : initier à la parole démocratique ne risque-t-il pas d'encourager la tyrannie du groupe infantile ou juvénile ? Le débat n'est-il pas la négation de l'espace où il doit s'inscrire - la négation de la responsabilité de l'adulte et la remise en question des savoirs scolaires... dans le cadre d'une institution qui a pour but la transmission du vrai... ? ". Il n'est décidément pas simple pour notre République d'aller jusqu'au bout de la démocratie. De même, on voit bien l'intérêt de développer des débats réflexifs à l'école... à condition de ne pas dire qu'on fait déjà de la philosophie (voir par exemple pp. 61-62, ou 298-300)! Encore un petit effort pour articuler République, démocratie et philosophie...

Michel Tozzi

- Loïg Le Son a fait, dans le cadre des Hautes Études en Pratiques Sociales, une recherche sociologique très critique dont le titre est éloquent :" Les cafés de philosophe entre prétention culturelle, démission politique et salut par la parole. Splendeurs et misères de la petite bourgeoisie française culturelle blanche (1995-2005) ".

- À signaler - ce n'est pas fréquent !- dans L'Enseignement Philosophique (Revue de l'APPEP) de mars-avril 2007, un article de Claire Rösler (IUFM Grenoble) et Clotilde Lamy sur "  La force a-t-elle toujours le dernier mot ? ". Il s'agit d'un " commentaire philosophique de la Fable de La Fontaine Le loup et l'agneau ", fable qui peut être " abordée avec profit dès l'école primaire " dans une visée réflexive. Le commentaire donnera aux enseignants du primaire une analyse philosophique approfondie du texte sous le signe d'un " optimisme tragique ".

- Voir aussi un article intéressant sur la philosophie avec les enfants dans L'Humanité du 22/06/07. À suivre les émissions TV sur " Les maternelles " (France 5, rubrique " Je suis venu te dire) et Radio " Le monde selon OIM " (France Inter).

- Philosophie Magazine, qui est devenu mensuel, semble avoir trouvé son créneau éditorial : des philosophes du passé intelligemment vulgarisés, nombre d'entretiens ou d'articles avec les contemporains, beaucoup d'informations sur des événements, et un dossier intéressant autour de questions revisitées à l'aune de l'époque contemporaine, par exemple : " L'univers est-il fait pour l'homme ? " (N° 9), " Héros et bourreaux, deux visages de l'humanité " (12). Et même de la pub pour une croisière philosophique en Grêce avec des conférences de L. Ferry, A. Comte-Sponville et H. Wisman...

FORMATION

- Le secteur Philosophie du GFEN (site : http://www.gfen.asso.fr) a organisé fin août un stage sur " Comment ne pas en finir avec la démocratie ? " : " Comment approcher la question de la démocratie dans nos activités de formation et pour nous-mêmes ? Comment prendre conscience et faire prendre conscience de sa nature dynamique, irréductible à des procédures formelles ? Quelle valeur donner à cette figure ambivalente du démos, à la fois source d'une dynamique émancipatrice et constamment menacé d'être transformé en substance, y compris jusque dans les totalitarismes qui s'en sont nourris ? Quelle place reste-t-il alors pour une démocratie comprise comme puissance, mais vidée de ses connotations " totalisantes ", processus mais pas procédures, ni forme ni substance mais chemin interminable et sans cesse à refaire ? Comment y travailler comme citoyen et comme enseignant ? ".


(1) Voir son itinéraire publié dans Diotime n°, Juin 2007.