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Thèse de S. Connac : Discussions à visée philosophique et classes coopératives en ZEP.

Soutenue en juin 2004, elle a obtenu la mention très honorable à l'unanimité.

Résumé : le principal renversement apporté par Freinet dans le monde pédagogique est certainement d'avoir fait remarquer que dans une classe dominée par le frontal, il n'y a que l'enseignant qui travaille, au sens cognitiviste du terme. Pour que ce soit les enfants qui travaillent, ils doivent alors occuper une part de la place de l'enseignant. Or, par tradition, c'est lui qui pense l'activité de ses élèves.

Lorsque s'engagent des discussions à visée philosophique, une communauté de recherche se constitue. C'est-à-dire que les personnes qui la composent, qu'elles soient enfant ou adulte, de leur statut de femme ou d'homme, de fille ou de garçon, contribuent à une meilleure connaissance du monde, des Hommes et de leurs relations. C'est en ce sens qu'il s'agit de philosophie, non pas parce que ces pratiques tendent à mimer ce que d'autres proposent bien mieux en tant qu'experts, mais parce qu'elles usent du doute au service d'une quête de la vérité. Pour cela, nul ne peut faire l'économie d'une pensée vraie et authentique.

Les pédagogies coopératives, celles développées par Freinet et Oury, ne semblent pas avoir réfléchi de manière spécifique à ce travail sur la construction de la pensée que l'on propose ainsi à des enfants. Toutefois, ces pédagogies se sont longuement penchées sur l'expression, la coopération et le tâtonnement expérimental et, à travers ces trois piliers, ont pu développer des dispositifs au service de valeurs humanistes.

Envisager la rencontre entre la pratique de discussions à visée philosophique et les pédagogies coopératives, c'est entrer dans une double préoccupation. Celle d'abord qui consiste à prouver que la mise en place d'un travail réellement philosophique avec des enfants est possible et peut être facilitée s'ils disposent dans leur contexte scolaire d'une permission à émettre une pensée personnelle. C'est entre autres ce qu'induisent les pédagogies coopératives. Celle ensuite qui tend à souligner que la pratique de la coopération à l'école peut être poursuivie et complétée grâce à la rencontre avec la philosophie. La classe coopérative étant généralement le lieu d'une démocratie participative, le questionnement philosophique conduit à explorer un monde des idées souvent inédit dans une classe où c'est l'intérêt général qui est retenu comme le principal critère de décision.

Ces enjeux apparaissent encore plus forts puisque nous nous proposons également de montrer en quoi et comment, des enfants d'une école située en Zone d'Éducation Prioritaire, le plus souvent d'origine maghrébine, sont en mesure de philosopher.

Dans cette recherche, l'étayage théorique sera au service d'une analyse d'un corpus méthodologique varié. Il inclut une série de scripts de discussions à visée philosophique d'une classe de cycle III pendant trois années, des entretiens avec des enfants, des enseignants et des personnes reconnues comme expertes dans ces domaines ainsi que des questionnaires remplis par tous les enfants d'une école coopérative de Montpellier.

Collection PhiloZenfants aux éditions Nathan, par Oscar Brenifier (5 titres parus) : Le bien et le mal, c'est quoi ?, La vie, c'est quoi ?, Les sentiments, c'est quoi ?, Moi, c'est quoi ?, Le savoir, c'est quoi ?

Voilà une nouvelle collection lancée en 2004 sur un marché de la littérature de jeunesse à visée philosophique de plus en plus étoffé. Il s'agit d'offrir aux enfants un dialogue plutôt que des réponses toutes faites, de les inviter au questionnement qu'ils soulèvent sur eux-mêmes, autrui et le monde. Chaque album, très illustré (un illustrateur différent par ouvrage) est centré autour d'une notion : le bien, les sentiments, la vie...

Par exemple, dans Le Bien et le Mal, c'est quoi ?, six questions pour jongler avec les idées et regarder derrière les apparences, reliées chacune à des notions. Exemple : " As-tu le droit de voler pour manger ? ", en relation avec la notion de loi. Pour chaque question, plusieurs réponses possibles contradictoires (exemple : "Non car c'est mal de voler ", " Oui si j'ai très envie de manger "), chacune étant suivie de plusieurs objections (exemple : " Mais pourquoi ne ferais-tu pas ce qui est mal ? ", " Tes envies doivent-elles te dominer ? "). Et de terminer par plusieurs éléments de problématique (exemple : " Te poser cette question, c'est donc te demander à quoi servent les lois dans la société ").

Des ouvrages précieux pour la formation du maître, car ils articulent très étroitement et de façon concrète la problématisation de questions, la conceptualisation de notions et l'argumentation de thèses et d'objections. Il montre bien comment une notion (le Bien), s'articule à d'autres (loi, gentillesse, obéissance, parole, liberté, générosité). Les enfants peuvent ainsi pénétrer dans l'approche complexe du philosopher.

CD ROM Mobiclic (Éditions Milan) : Oscar Brenifier propose chaque mois un débat philo sur un thème différent, avec une classe de CM1 ou CM2 différente.

F. Galichet, Pratiquer la philosophie à l'école. 15 débats pour les enfants du cycle 2 au collège, Éditions Nathan, 2004.

Ancien élève de Normale Sup, agrégé, professeur des universités en philosophie, on ne pourra soupçonner l'auteur de légèreté philosophique, comme on le fait pour beaucoup de ceux qui se lancent dans de nouvelles pratiques... Il nous propose aujourd'hui un guide pour aider enseignants et élèves du primaire et de collège à " pratiquer " en classe la philosophie (il a refusé le mot " enseigner ").

On trouvera dans cet ouvrage remarquable de rigueur philosophique et de clarté pédagogique :

  • une introduction définissant les différents types de débat et la spécificité du débat philosophique, ses caractéristiques (universalité, implication, irréalité, totalisation), une réflexion sur les énoncés philosophiques (distincts de l'opinion, de l'hypothèse et de la foi), et sur les trois dimensions du philosopher (réflexive, herméneutique, pédagogique) ; avec quelques conseils sur les conditions matérielles et institutionnelles de l'organisation d'un débat en classe, ainsi que l'intérêt d'un cahier de philosophie ;
  • une quinzaine de fiches ordonnées autour de questions fortes (" Est-ce que tout le monde est pareil ? Comment savoir si je ne suis pas en train de rêver ? Jusqu'à quel point les hommes sont égaux ? A qui appartient la terre ?... "), ou de notions essentielles pour des enfants d'hommes (amitié, amour, adulte, langage, justice, liberté, normalité, justice, violence, racisme, sagesse). Chaque fiche précise ce qui fait débat, les problèmes soulevés, les distinctions conceptuelles utiles, et propose des exercices préparatoires au débat ou le prolongeant. L'ensemble est illustré de citations d'enfants extraites de scripts de classes (corpus issu d'un groupe de recherche formation de l'IUFM d'Alsace).

Un outil précieux de formation philosophique et didactique pour ceux qui débutent ou veulent approfondir. Laissons conclure le philosophe J. L. Nancy, qui déclare dans l'avant-propos : " Ce que nous appelons encore " enseignement de la philosophie " doit connaître une mutation à laquelle aucune réforme de programmes de la seule terminale ne peut suffire. La première et minimale condition en est, de toute évidence, le développement d'une culture philosophique ou pré-philosophique... Il faut qu'aujourd'hui le jeune élève puisse découvrir l'exercice de la pensée réfléchie et critique bien avant d'être formellement exposé à l'épreuve des textes, opérations et outils proprement philosophiques...C'est une nécessité, c'est même une urgence. Sans vouloir être pompeux il faut l'affirmer : c'est un impératif catégorique de la démocratie ".

La philo des filous

Après les éditions Milan (Goûters philo), Audibert (Brins de philo, Brin depsycho), Actes sud junior, et Nathan (PhiloZenfants), les éditions Labor (Quai du commerce 21 à Bruxelles) lancent une nouvelle collection La philo des filous. Chaque titre propose un album centré sur une thématique qui provoque la perplexité, l'interrogation puis la réflexion de l'enfant, et un guide d'accompagnement reprend et éclaire les questions posées par les élèves, avec des pistes d'exploitation pédagogique. Largement inspirée par la philosophie pour enfants de M. Lipman, la collection espère amener l'enfant à effectuer de bons choix (site : www.labor.be).

Premier ouvrage de la série : Puisqu'on te le dit...C'est pour ton bien, de M. Nolis, centré sur la santé, qui veut faire réfléchir d'une manière autonome, critique et créative les enfants sur les assuétudes...

Philosophie, éthique et politique

Le nouveau programme de morale non confessionnelle de Belgique francophone introduit des notions de philosophie dans les deux dernières années du secondaire (cf l'article de M. Coppens dans ce numéro). Il est conçu sous forme de quatre modules répondant aux grandes questions philosophiques : Suis-je seul au monde ? Dans quelle société je veux vivre ? Qu'est-ce que je tiens pour vrai ? Quel sens je donne à ma vie ?

Claudine Leleux, professeur de philosophie dans les Hautes Ecoles (IUFM) de la Communauté française à Bruxelles, qui a organisé le colloque sur Lipman en février 2004 pour le Parlement francophone, a publié à cet effet chez De Boeck des manuels très intéressants à base de séquences didactiques, accompagnés de guides pédagogiques. On trouvera par exemple dans l'ouvrage Dans quelle société je veux vivre ? une réflexion sur la crise de légitimité et de représentativité que traversent nos sociétés occidentales, avec toutes les questions philosophiques qui lui sont liées, abordées à partir de nombre de textes et d'exercices proposés.

commande@deboeck.com

F. Dagognet, J.L. Muracciole, Entretiens sur l'enseignement de la philosophie, Little big man, Col. Nomad's land, Paris, 2004.

Les idées de F. Dagognet sont loin d'être révolutionnaires. Dans ce livre d'entretiens avec J.L. Muracciole, où il fait le point sur ses idées pédagogiques, il reprend les idées classiques de la liberté totale de l'enseignant de philosophie, d'une même base de programme pour tous les élèves, à partir de notions, du primat en classe du cours magistral, de la dissertation comme fondamental de la discipline. Il ne parle jamais de débats en classe, maintient la philosophie en terminale (avec un zeste en première), considère la philosophie comme une matière scolaire à part, se déclare anti-pédagogue etc.

Et pourtant certains propos sont (d')étonnants, pour celui qui a longtemps présidé l'agrégation de philosophie. Il a co-animé avec le doyen de l'Inspection générale une commission des programmes aux propositions classiques, mais il révèle qu'il était en désaccord avec ses propositions ! Il faut tout changer dit-il dans l'école : et de proposer la suppression de l'étude des grands textes philosophiques (trop difficile, trop tôt), et l'étude de texte au baccalauréat (" L'histoire de la philosophie est la mort de la philosophie ") ; de préférer pour le programme le souvenir à la mémoire, la vitesse au temps, l'Europe à la Nation. Il se dit matériologue plus que matérialiste, commence son programme par la sensation, suivie de la sexualité et de l'image. Il introduit dans les notions les objets et le sport. " Un philosophe sert à penser les problèmes de son temps " : il ne dédaigne donc pas l'actualité, accorde une importance toute particulière à la bioéthique (le médecin qu'il est se sent ici très concerné !). Et s'il est réservé sur les cafés philo, il apprécie le genre des conférences-débats de M. Onfray dans son Université populaire.

Il y a dans l'ouvrage une liberté de ton stimulante : n'a-t-il pas préfacé avec une sympathie étonnée, comme pour se provoquer lui-même, l'ouvrage d'A. Lalanne Faire de la philosophie à l'école élémentaire (ESF, 2002) ?

Biennale de l'Éducation et de la Formation 2004 (Lyon).

Un atelier s'est tenu à la Biennale le 14 avril, animé par Michel Tozzi, sur " Culture du débat et réflexivité philosophique et citoyenne ".

Ont été présentées au cours d'un itinéraire collectif les communications suivantes :

  • 1) Un débat est d'autant plus impliquant et formateur pour les élèves qu'il part de leur propre questionnement : " Le questionnement philosophique des enfants en classe " (M. Tozzi).
  • 2) Des présupposés légitiment le droit de l'enfant à prendre la parole et discuter en classe : " Imaginer le droit à l'enfance " (F. Lefebvre).
  • 3) Un dispositif de débat pour faire échanger des élèves : " Discussion à visée philosophique dans une classe de grande section de maternelle " (A. Delsol).
  • 4) Les conditions d'émergence d'une parole réflexive des élèves dans les discussions : " Apprendre à dire " je " pour apprendre à penser " (F. Carraud).
  • 5) Les problèmes soulevés dans les débats par les sujets sensibles : " La mort n'est pas au programme " (H. Lethierry).
  • 6) Une démarche de débat à partir d'un support visuel : " Construire l'arbre du respect " (B. Saligy-Roger).
  • 7) Comment se saisir d'opportunités en classe pour enclencher le débat ? "La fécondité des événements dans le processus d'apprentissage " (N. Go).
  • 8) Les débats dans les conseils d'élèves : " Des conseils d'élèves à l'école primaire " (M. Janner-Raimondi).
  • 9) Le débat dans les pédagogies coopératives : quelle formation des enseignants ? : " Les pratiques coopératives à l'école primaire " (J. Dassin, M.F. Sangla).
  • 10) Le débat en perspective d'éducation à la citoyenneté : mais quelle citoyenneté ? : " Manuels scolaires et éducation à la citoyenneté " (C. Meyers).

On peut consulter les communications de la Biennale 2004 sur le site de l'INRP.